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La Ruche qui dit Oui !

“Manger mieux, manger juste”, c’est le slogan d’une entreprise qui fait du bien à notre société, et qui est, peut-être, déjà dans votre quartier.

Ça se passe près de chez vous

Dans l’article précédent, je chroniquais un livre de Jane Goodall, qui nous encourageait à changer notre mode d’alimentation, par une consommation responsable.

Ce n’est pas toujours évident, et le rayon “Bio” de votre supermarché n’a sans doute pas réussi à vous faire quitter le côté obscur de l’alimentation industrielle.

Mais des initiatives apparaissent, et l’une est sans doute proche de chez vous : “La Ruche qui dit Oui”.

J’avais vu un reportage sur cette organisation française. Cela m’avait enthousiasmé, et un an plus tard, je découvre qu’une antenne s’ouvre dans mon quartier… au bout de ma rue.

Bienvenue dans la Ruche

La Ruche qui dit Oui ! est un service web qui donne des ailes aux circuits courts. La plateforme de vente en ligne favorise les échanges directs entre producteurs locaux et communautés de consommateurs qui se retrouvent régulièrement lors de véritables marchés éphémères.” (Qui-sommes-nous-WEB.pdf, page 4).

Concrètement, une antenne (une “Ruche”) a été ouverte dans mon quartier par une “responsable” (merci Martine), qui s’est chargée de trouver des producteurs locaux (fermes, boulangers, bouchers, crémiers, artisans…), et une salle pour organiser les ventes hebdomadaires. Nous, les habitants du quartier, nous inscrivons comme membre pour pouvoir acheter ces produits. Ensuite…

  1. On les commande dans un catalogue en ligne, sur le site de la Ruche. Les produits sont classés par genre (légumes, viandes, boulangerie…), avec une photo, le prix à l’unité, le producteur.
  2. On clôture sa commande avant la date limite (chez nous c’est le dimanche soir pour la distribution le mercredi). On connait alors le montant maximum à payer.
  3. Le jour précédant la distribution, la commande est revue : en effet, les producteurs ne se déplacent pas en dessous d’un montant minimum de marchandises. Si c’est le cas, tous les produits du producteur sont retirés des commandes, et les paiements revus à la baisse.
  4. Le montant est ensuite automatiquement débité de la carte de crédit (dont le numéro a été fourni lors de l’inscription).
  5. Le jour J, nous allons chercher nos produits. Notre commande porte un numéro, et les producteurs nous attendent avec nos paquets. Il n’y a plus qu’à passer de l’un à l’autre…
La commande n°21
La commande n°12

Tout le monde gagnant

C’est le producteur qui fixe ses prix, et comme c’est lui qui profite en premier de cette plateforme de vente, il en est le financier : 16,7 % de son chiffre d’affaire va à l’entreprise (car il s’agit d’une entreprise française agréée ESS comptant 35 salariés). Ce qui permet aussi de dédommager le responsable de la ruche : cela vaut bien les 10 à 15 heures par semaine que ça lui demande !

Une Ruche profite donc à tout le monde : on fait vivre des producteurs de la région, on mange mieux.

Et on fait des rencontres.

Car la distribution ne se résume pas à un passage sous le couvert d’un numéro anonyme : les dégustations offertes par des producteurs passionnés ne manquent pas, et les conversations entre personnes partageant les mêmes valeurs sont facilitées. Le quartier devient un village. Et nos courses un acte social.

D’ailleurs, des liens se créent aussi dans le virtuel, entre deux distributions…

Oui en plusieurs langues

Car le site de la Ruche qui dit oui est redoutablement bien fait. Chaque ruche y a son compte, renforçant la communauté locale, avec son fil d’actualité. Le responsable annonce les dégustations et les nouveaux produits, les membres réagissent et commentent, et les producteurs viennent parfois faire un “petit coucou”.

Mais le plus jouissif, c’est de voir les prénoms des nouveaux membres apparaître sur la ligne du temps : il en arrive chaque semaine, et notre petite ruche en est à 539 membres et 15 producteurs.

Quant aux Ruches, elles prolifèrent. Après avoir dit “oui” à la France et à la Belgique (557 ruches, plus 187 en construction), elles s’internationalisent et disent “yes”, “ja” et “sí”.

La vague du “manger mieux, manger juste” s’étend donc sur l’Europe. Et si votre quartier est oublié, il ne tient qu’à vous de changer ça.

Frais et vrai !
Frais, et couleurs naturelles !

La Ruche qui dit Oui...

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Nous sommes ce que nous mangeons

Nous saccageons la planète pour nous nourrir… mal. Mais cela peut changer. Voici un livre qui nous montre la lumière au bout d’un tunnel bien obscur.

Effondrements alimentaires

Jane Goodall est surtout connue comme primatologue, ayant fait évoluer notre regard sur les singes, et par là même celui sur l’homme.  Très influente et médiatique, multi-récompensée, son étude du milieu sauvage l’a amenée à devenir une ardente défendeuse des causes environnementales.

Son livre “Nous sommes ce que nous mangeons” dénonce l’industrie alimentaire, avec ses ravages sur notre santé comme sur l’environnement.

On pensait que le XXIè siècle apporterait un confort sans limites aux nations industrialisées, à la place on assiste à un effondrement des habitudes alimentaires.” (p. 293)

Ce livre est sorti en 2005, et depuis lors des tonnes d’articles, de reportages et de livres sont sortis sur le sujet, tandis qu’un virage vers une nourriture plus saine et respectueuse de l’environnement est clairement entamé. Il est donc difficile d’apprendre de nouvelles choses en le lisant, d’autant qu’il faut prendre les propos de l’auteure avec prudence : elle ne donne pas ses sources et on sent souvent le cri du cœur prendre le dessus sur l’analyse scientifique.

La pilule rouge

Pour autant, tout cela est toujours d’actualité.

Mais quoi donc ? Et bien citons l’auteure, dans sa conclusion, pour vous faire prendre la pilule rouge si vous croyez toujours vivre dans un monde parfait :

Nous vivons des temps difficiles. Les multinationales contrôlent presque toutes les réserves alimentaires du monde ainsi que les brevets de nos semences. Des milliards d’animaux d’élevage vivent dans des conditions misérables. Les êtres humains et les animaux sont de plus en plus contaminés par les produits chimiques qui ont été répandus avec excès sur les champs, semences et aliments, empoisonnant l’eau, le sol et l’air de la planète. […] Des milliards de tonnes d’énergies fossiles servent à transporter nos aliments d’un bout à l’autre de la planète […]. La monoculture subventionnée par les gouvernements use de l’essence pour le plus grand bien des fabricants de hamburgers et de steaks. […] Les exploitations familiales doivent déposer le bilan. […] L’eau se fait de plus en plus rare et sa pollution ne fait qu’augmenter.” (p. 365)

Il est tant d'évoluer dans notre alimentation
Il est tant d’évoluer dans notre alimentation

La récolte de l’espoir

N’allez pas croire que Goodall ne fait que dépeindre un monde noir et inhumain, sur presque 400 pages.

Son livre commence par une analyse zoologique et anthropologique de la manière de s’alimenter, d’où le titre francophone du livre, que je trouve mal choisi puisque son but est de nous amener sur la voie du changement, comme l’indique clairement le titre original : “The harvest of hope” (La récolte de l’espoir).

Nostalgique de son enfance, remplie de bons souvenirs à la ferme, Goodall prône un retour à un rapport plus éthique avec notre alimentation : des animaux mieux traités, des cultures exploitées avec moins d’agressivité. Et plus de respect pour notre nourriture : prenons le temps de manger, et ne gaspillons pas.

Les initiatives ne manquent pas pour aller à contre-courant de l’industrie alimentaire, ainsi que d’éduquer la nouvelle génération pour qu’elle retrouve… ses racines. C’est bien le but du projet The Edible Schoolyard, qui met les écoliers en contact avec la terre nourricière. Ou le projet éducatif Roots & Shoots, effectif dans 130 pays, fondée par l’auteure elle-même.

Ce que vous pouvez faire

Goodall s’est faite la porte-drapeaux d’un nouvel espoir, et aujourd’hui on peut dire que le mouvement s’est amplifié.

Du bio dans le supermarché : Jane en a-t-elle rêvé ?
Du bio dans le supermarché : Jane en a-t-elle rêvé ?

Son livre regorge de conseils que nous connaissons bien aujourd’hui : mangez local, de saison, éviter le gaspillage, n’achetez pas l’eau en bouteille, etc.

Ce n’est pas toujours évident, mais nous verrons dans mon prochain article qu’une des nombreuses initiatives est, peut-être, à portée de votre main.

En attentant, concluons avec Goodall, qui écrivait avant que le mot “consom’acteur” soit à la mode : “Rappelez-vous bien que chaque aliment acheté est un vote. Nous pouvons être tenté, en tant qu’individus, de penser que nos petites actions ne comptent pas vraiment, qu’un plat ne fera pas la différence. Mais, justement, chaque plat, chaque bouchée est riche d’une longue histoire qui nous raconte où ces aliments ont été cultivés, élevés, récoltés. Nos achats, nos votes détermineront la suite du parcours. Des milliers et des milliers de votes sont nécessaires pour encourager les méthodes d’agriculture qui rendront la santé à notre planète.” (p. 374)

“Nous sommes ce que nous mangeons”, Jane Goodall, 379 pages, Babel

"Ce n'est qu'en joignant nos forces et en refusant d'acheter des aliments mélant la souffrance au poison que nous pouvons nous élever contre la puissance des multinationales..." (p. 374)

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Faut-il renoncer au nucléaire ?

L’énergie nucléaire est-elle un mal nécessaire, ou au contraire est-elle remplaçable ? En ces temps de menace d’un blackout pour cause de réacteurs hors service, ce livre nous aide à se faire une opinion.

Aucun atome crochu

Mais tout d’abord, dans la série “j’en ai rêvé, ils l’ont fait” , je vous présente la collection Le choc des idées, aux éditions Le Muscadier. Soit des livres s’ouvrant aux débats contradictoires, sur des thèmes chauds comme le gaz de schiste, la mondialisation, l’agriculture biologique, les OGM, etc. Nulle doute que certains d’entre eux seront encore chroniqués ici.

La caractéristique de ces livres est d’être écrit par deux auteurs aux opinions opposées, ainsi que par un médiateur, qui introduit le sujet et le conclut. Concernant “Faut-il renoncer au nucléaire ?” , nous avons :

  • Bertrand Barré, spécialiste du nucléaire et conseiller chez Areva.
  • Sophia Majnoni d’Intignano, chargée de mission nucléaire à Greenpeace, après une mission de deux ans chez Areva.
  • Claude Stéphan, directeur de recherche au CNRS, intéressé par les énergies, en particulier nucléaires. Il est le médiateur.

Voyons quelques chocs d’idées entre Bertrand et Sophia.

Des avis alternatifs

Le nucléaire doit continuer à produire notre électricité” , se défend Bertrand Barré. Car, entre autres :

  1. Il émet peu de gaz à effet de serre.
  2. Il fournit une électricité bon marché.
  3. Contrairement aux énergies renouvelables, il délivre de l’électricité en fonction de la demande et non de la météo ou de la présence du soleil.
  4. Il crée 125.000 emplois spécialisés en France, et 400.000 de manière indirecte.
  5. Le stockage géologique fournit la solution à la gestion des déchets les plus radioactifs. Et la nature nous fournit la preuve que c’est possible, avec les réacteurs fossiles d’Oklo.

L’imposture nucléaire” , répond Sophia Majnoni d’Intignano. Et elle démonte ces cinq points :

  1. Oui, le nucléaire émet peu de CO2. Mais pour autant, elle n’est pas efficace pour lutter contre le réchauffement climatique : trop long et trop chère à déployer. D’ici à 2050, il faudrait construire 50 centrales par an pour réduire de 4 % les émissions de gaz à effet de serre. Rappelons que le nucléaire ne représente que 5,7 % de toute la production énergétique mondiale.
  2. Le prix de l’électricité nucléaire ne pourra qu’augmenter : les nouvelles centrales doivent être construites avec des normes de sécurités bien plus strictes qu’il y a 30 ans, des frais doivent être dépensés pour maintenir les anciennes, et le coût du démantèlement des centrales arrêtées est encore flou. Pendant ce temps, le prix de l’énergie renouvelable diminue. Et ce serait encore plus rapide si seulement les investissements n’étaient pas absorbés par le nucléaire.
  3. Un réseau électrique reposant sur le 100 % renouvelable doit être complètement repensé : c’est un système décentralisé mélangeant différents procédés de production et de stockage, comme l’a analysé l’association négaWatt.
  4. En Allemagne, le secteur des renouvelables générait 370.000 emplois en 2010. Avec le scénario proposé par négaWatt, on atteindrait les 684.000.
  5. Jusqu’à aujourd’hui nous n’avons aucun exemple d’une solution qui éviterait des pollutions radioactives durant des milliers d’années. Et ce n’est pas la désastreuse expérience dans les mines d’Asse qui nous réconfortera.
Faut-il renoncer à Doel ? (merci à General Dikki)
Faut-il renoncer à Doel ? (merci à General Dikki)

4.000 victimes ou peut-être 225 fois plus

Je suis […] plus choquée par le refus des politiques d’admettre la réalité du risque – et, par conséquent, d’y préparer la population – que par leur refus catégorique de renoncer à cette technologie.” nous écrit Majnoni d’Intignano (p. 85).

Les risques d’un accident grave sont mal évalués : les statistiques donnent déjà un taux de 0,0002 accident grave par an, soit 20 fois supérieur aux objectifs fixés. Avec le vieillissement des centrales, ce risque augmente encore.

Et la négation des impacts sanitaires des radiations empêche tout débat serein : 4.000 décès liés à la catastrophe de Tchernobyl, nous communique l’OMS. Entre 600.000 et 900.000 nous annoncent des chercheurs russes, biélorusses et ukrainiens !

La France prévoit une intervention sur un périmètre de 10 km autour d’une centrale accidentée : Fukushima a demandé 20 à 30 km, et Tchernobyl, 300 km.

On ne fait pas de statistiques sérieuses sur un total de quatre accidents.” nous répond Bertrand Barré (p. 109).

De dire que nous sommes 20 fois au dessus des objectifs fixés n’est pas plus valable que de prétendre que le risque d’accident est nul, en se basant sur la période 1987-2010, où il n’y a eu aucun incident.

Combien de victimes a faites le charbon, avec la silicose, les coups de grisou et les perturbations sur l’effet de serre ? Toutes les énergies présentent des risques et le nucléaire présente le meilleur bilan sanitaire.

Quant aux centrales vieillissantes, elles subissent des révisions complètes tous les 10 ans. De plus, chaque accident a incité des améliorations. Depuis Three Mile Island, des dispositifs ont été mis en place sur les centrales françaises : ils n’existaient pas à Fukushima…

Agissez, changez

Même si ce livre se préoccupe principalement de la France, il nous aide à nous forger une opinion… ou pas ! Car ce n’est ni blanc ni noir : c’est gris comme le béton d’une centrale.

Le débat est complexe, et même au sein des écologistes il n’y a pas de consensus : si Greenpeace ne manque jamais de pointer du doigt les failles du nucléaire, il existe aussi l’Association des écologistes Pour le Nucléaire, chez qui on trouve… un cofondateur de Greenpeace !

Mon souhait est que le nucléaire fasse maintenant place à des énergies plus douces, et ma décision de passer à un fournisseur d’électricité verte, dès l’ouverture du marché en 2007, était déjà mon soutien à cette transition.

El la conclusion du médiateur Claude Stéphan me paraît pleine de bons sens : “Le vent comme le soleil sont gratuits, mais si l’on espère satisfaire l’ensemble de ces besoins avec l’énergie renouvelable, les investissements seront importants – ce qui n’est pas forcément un défaut en soi, comme l’a montré le cas du nucléaire justement.

“Faut-il renoncer au nucléaire ?”, 126 pages, éditions Le Muscadier

Faut-il renoncer au nucléaire ?

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