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Kiva : faites du microcrédit

Que peut-on faire avec 20 euros ? Acheter le dernier Musso, se payer un moules-frites sans le verre de vin blanc, s’offrir une demi chaussure ou… prêter cet argent à des gens qui en ont bien besoin.

Pour une poignée de dollars

20 euros, en réalité 25 dollars, c’est la somme minimum que Kiva vous propose de mettre sur la table pour devenir un acteur du microcrédit. Cette ONG californienne, créée en 2005, a eu la bonne idée suivante : permettre aux internautes du monde entier de prêter leur argent à des gens démunis, répartis dans 77 pays.

Le système est simple :

  1. Vous vous inscrivez sur Kiva.
  2. Vous alimentez un compte par transfert PayPal (qui ne prend pas de commission).
  3. Vous choisissez la ou les personnes (les “borrowers”) à qui vous prêtez votre argent.
  4. Ces personnes vous remboursent mensuellement suivant leurs moyens (l’argent revient sur votre compte Kiva).
  5. Quand vous avez regagné un peu de fonds, vous recommencez le point 3…

Comment fonctionne Kiva ? (en anglais)

Une autre richesse

Comprenez bien, ceci n’est pas un investissement : il n’y a pas de taux d’intérêt sur le remboursement. Qui plus est, votre argent a une tendance à fondre, car Kiva vous propose de verser un petit pourcentage sur chaque prêt, pour les frais de fonctionnement de l’organisation.

Il y a en plus un petit risque de non-remboursement, le taux de remboursement étant de 98,87 %. En fait, les prêts passent par une agence locale de microcrédit : elle est détaillée dans la fiche de projet de chaque emprunteur.

Bref, il s’agit d’un geste philanthropique, qui donne beaucoup d’utilité à notre argent. Et ne croyez pas que ce système n’intéresse que quelques idéalistes : nous sommes 1.210.249 à être dans Kiva ! Les sommes en jeu atteignent presque 600 millions de dollars, ce qui a permis à l’organisation de faire plus de 700.000 prêts.

Voyons maintenant qui sont les emprunteurs.

Salvarby, Jimy Jesus, Moudi et Sinan ont besoin de votre argent

Quand vous arrivez sur le site de Kiva, vous êtes accueilli par une mosaïque de photos : des gens en attente d’un prêt. Mais ce n’est que le sommet de l’iceberg : ils sont plus de 3.000 personnes (dont les deux tiers sont des femmes) à proposer un projet demandant un prêt de 125 à 10.000 dollars (la moyenne étant de $ 418.32).

Il ne vous reste plus qu’à choisir à qui vous voulez prêter par tranche de $ 25, et le site vous propose de multiples moyens de trouver vos coups de cœur : la liste des projets se trie et se filtre sur de multiples critères, comme le domaine d’activité (agriculture, construction, éducation…), des attributs (Faire Trade, zones de conflit, jeunesse…), le pays, homme ou femme, etc.

Alors, entre Salvarby du Tadjikistan qui a besoin de vêtements d’enfant pour son magasin, Jimy Jesus du Pérou qui doit construire une clôture, Moudi du Zimbabwe qui aimerait acheter des poules, et Sinan du Cambodge qui veut une motocyclette pour faire taxi, les besoins sont multiples et variés.

Et parfois peuvent heurter nos principes.

Des smartphones pour les enfants

Car nos choix sont dictés par nos valeurs, sans doute en décalage avec la réalité du terrain.

Par exemple, je ne prête pas à des agriculteurs empruntant pour des fertilisants et insecticides : c’est à l’encontre d’une certaine agriculture que je défends. Mais est-ce juste ? Ma fois, il faut bien que je trouve des critères de sélection.

Mais que penser de Mohammed du Yemen qui veut acheter deux mobiles Galaxy à ses enfants, ou Tsetsegmaa de Mongolie qui recherche $ 1.100 pour une télévision LCD ? À force de voir des demandes de prêts pour des choses essentielles, on a du mal à accepter de tels projets. Mais il y a matière à débattre : on est bien mal loti pour prétendre qu’un crédit ne pourrait pas servir à de tels achats.

Et puis, l’essentiel n’est-il pas que notre argent serve à améliorer la vie des gens ?

Plus de 3.000 "borrowers" vous attendent
Plus de 3.000 “borrowers” vous attendent

You’ve received a repayment on a loan !

À mon souhait “J’aimerais que mon argent soit utile”, Kiva y répond parfaitement. Il suffit de voir le temps que met un débiteur à nous rembourser pour se rendre compte de la fortune que nous avons. Que Surhrobjon, du Tadjikistan, me rembourse en un mois ce que je dépense pour un café, n’est-ce pas indécent ?

Avec une petite somme, celle de votre prochain moules-frites, vous pouvez enchaîner les prêts et aider des dizaines de personnes dans le monde…

… voire des milliers, comme ZX81, de Bruxelles : inscrit depuis le 22 janvier 2007, il en est à 118.082 prêts ! Qui dit mieux ?

L'organisation Kiva...

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Et l’homme créa les dieux

Pourquoi la religion existe-t-elle ? Pourquoi existe-t-elle encore dans cette société hautement technologique, où l’homme comprend et domine de plus en plus son environnement ? Ce livre apporte une réponse, en expliquant la mécanique de notre cerveau.

Non cartésien

Quand j’étais petit, je ne comprenais pas pourquoi les religions existaient, et pourquoi d’aucuns croyaient en un dieu. Cela me paraissait non cartésien, non justifié, non nécessaire.

Et puis en grandissant, j’avais compris : la religion existe pour expliquer l’inexplicable, pour réconforter, pour établir un ordre moral, pour créer des communautés. Et elle se transmet par notre environnement social, ce qui explique mon athéisme, vu l’absence de cadre religieux durant mon enfance.

Mais ces explications étaient-elles satisfaisantes ?

Comment se fait-il que la religion a vu le jour parmi toutes les peuplades du monde, en tous lieux, depuis des milliers d’années ? D’où vient cette émergence spontanée de la religion ?

Nourriture informative

L’auteur de ce livre, Pascal Boyer, anthropologue, nous explique d’abord que l’évolution de notre cerveau nous amène aujourd’hui à certains modes de pensées dont nous ne sommes pas conscients. Cela concerne par exemple notre faculté de vivre en société : “[…] l’évolution ne crée pas de comportements spécifiques, elle crée une organisation mentale qui incite les individus à se comporter de façon spécifique.” (p. 337)

Et ce cerveau évolué nous distingue des autres êtres vivants par un rapport différent à son environnement : l’environnement de l’homme, c’est l’information. Et justement : “Chaque information est de la nourriture pour la mécanique mentale. Mais ensuite seules certaines informations produisent les effets que nous désignons sous le terme de “croyance” : on les remémore et on les utilise pour expliquer ou interpréter des événements particuliers ; elles peuvent déclencher certaines émotions ; elles peuvent influer fortement sur notre comportement.” (p. 48)

Pour comprendre l’origine des religions, il faut donc inverser le raisonnement : “Les concepts religieux […] mobilisent les ressources de systèmes mentaux qui seraient là, religion ou pas. C’est pourquoi la religion est une choses probable.” (p. 468)

Et à l’opposé, nous avons l’activité scientifique, aussi anti-naturelle pour l’esprit humain que la religion lui est naturelle. L’esprit scientifique est en fait très improbable ! “Cela explique pourquoi elle [l’activité scientifique] ne s’est développée que dans un nombre limité de pays, chez un nombre limité de gens, pendant une infime partie de l’histoire humaine.” (p. 469)

Spock l'avait compris, dans l'épisode 34
Spock l’avait compris, dans l’épisode 34

Mercredi, jour saint

Très bien. Mais comment en arrive-t-on à des religions qui ont bien souvent les mêmes thèmes, comme l’existence d’un ou plusieurs êtres supérieurs omniscients, ou la délivrance de l’âme après la mort ?

Démonstration…

Voici ma religion : il n’existe qu’un dieu ! Il est tout-puissant. Mais il n’existe que le mercredi.

La plupart d’entre vous trouveront cette religion vraiment étrange. Et elle a peu de chance de se propager. Car vous aurez buté sur l’idée du mercredi. Mais pas sur celle de l’existence d’un dieu…

Cet exemple démontre comment des idées sont plus facilement acceptées que d’autres. Sans recourir à un long raisonnement, vous avez accepté une idée, et pas l’autre. Ce mécanisme mental, on peut l’appeler intuition.

Dès lors, les idées qui ont jalonné notre histoire ont, elles aussi, évolué, faisant l’objet d’une sorte de sélection naturelle imposée par la machine à penser de l’homme. D’une multitude de croyances “surnaturelles”,  seules les plus séduisantes à nos schémas mentaux ont survécu et font l’objet des grandes religions d’aujourd’hui.

Croire en ce livre

Au bout de presque 500 pages, je referme le livre de Boyer après avoir été guidé sur les chemins de la psychologie, de l’anthropologie et de la sociologie. Des domaines avec lesquels je ne suis pas familier, ce qui m’a fait hésiter d’en parler.

Mais c’est un livre marquant, il y a un avant et un après : une expérience déjà vécue avec “Le cygne noir” de Thaleb – deux livres à la démarche comparable. Alors il mérite bien un coup de projecteur.

Personne ne m'a offert la seule littérature qui m'intéresse !
Personne n’est venue me proposer la seule littérature qui m’intéresse !

Et puis le sujet est bien en rapport avec ce qui me préoccupe : si notre monde n’est pas parfait, n’est-ce (aussi) par parce notre perception des choses est imparfaite, faussée ? Attention, je pointe du doigt notre cerveau, et non la religion.

À propos de laquelle je laisse conclure l’auteur : “Cela peut paraître frustrant que la religion telle que je la définis ici ne serait qu’un effet secondaire de notre cerveau, ce qui manque apparemment de grandeur. Or la religion a de la grandeur, elle est essentielle pour la vie de beaucoup de gens, elle implique des expériences émotionnelles intenses, elle peut pousser des individus à tuer ou se sacrifier.

“Et l’homme créa les dieux”, Pascal Boyer, 526 pages, Folio Essai

Ce que nous explique Pascal Boyer...

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Usbek & Rica

Il porte un nom bizarre, il a une esthétique rétro-futuriste, il paraît quatre fois l’an, il est français : c’est Usbek & Rica, “le magazine qui explore le futur” .

Graphisme et philosophie

Il était temps de vous parler d’une revue qui m’accompagne dans mes préoccupations, qui est même une source d’inspiration pour l’écriture de ce blog. Un magazine qui s’interroge sur notre futur, qui explore ses avenirs possibles, non sans un certain regard philosophique.

En jouant de l’étonnement cher aux personnages des Lettres persanes de Montesquieu, dont son titre est directement tiré, Usbek & Rica interroge les bouleversements les plus rapides et les plus vertigineux de notre histoire. Le progrès technique est-il toujours synonyme de progrès humain ? Comment rester un être humain dans le monde ultra-technologisé qu’on nous promet ? À quoi va ressembler cette fusion imminente entre la biologie et l’informatique ? Ce sont toutes ces questions, et bien d’autres encore, auxquelles Usbek & Rica tente de répondre, en sortant des vieux schémas de pensée, en donnant la parole à ceux qui créent et réfléchissent.

Usbek & Rica, faussement rétro
Usbek & Rica, faussement rétro

Il faut avoir le magazine en main pour comprendre ce qui le distingue de la presse habituelle : pas d’encarts publicitaires, des illustrations privilégiées aux photos, et une mise en page soignée. D’ailleurs, c’est un graphiste qui me l’a fait découvrir.

Les lilliputiens végétaliens au pays de la démence numérique

Pour autant, le magazine ne se contente pas d’être l’étalage d’une charte graphique soignée au petits oignons : son contenu nous emmène sur des thèmes souvent interpellants, parfois décalés, mais jamais lassants.

On y trouve des sujets dans l’air du temps, comme le revenu d’existence, le gouvernement mondial, la démographie, la domination de Google, les monnaies locales. On s’inquiète pour certaines régions, comme la Corée du Sud (“Au pays de la démence numérique” ), le Qatar (“Vingt ans pour sauver le Qatar” ). On y analyse les objets novateurs, utiles comme le Bamb’Loon, ou futiles comme le Whif, inhalateur à particules de café. On s’intéresse à quelques personnalités peu souvent mis en lumière, comme Salvatore Iaconesi (“Mon cancer en open source” ), Ludwik Leibler (“L’homme qui anoblit la matière noble” ).

On verse dans la culture (“Le sacre de la sono mondiale” ), l’éthique (“Faut-il un parlement des choses ?” ), le subversif (“Sauvez la planète, tuez-vous !” ), l’idéalisme (“Internet va-t-il moraliser le capitalisme ?” ), la science-fiction qu’on espère visionnaire (“Faire l’amour en 2050” ).

Et on analyse sérieusement des idées saugrenues : “Tu seras un lilliputien végétalien, mon fils” (résoudre la surpopulation en réduisant la taille de l’homme), “Habiter le ciel” , “La téléportation, moyen de transport le plus lent de l’histoire ?” .

Excitant ou déprimant

Mais Usbek & Rica, c’est plus qu’un magazine : c’est un esprit, un engagement, qui se décline en quelques produits qui contribuent à construire une communauté.

  • Dans chaque numéro on trouve quelques billets d’une monnaie locale, le Usbek, que l’on peut utiliser pour acheter des livres mis en circulation par l’équipe de rédaction.
  • Chaque trimestre, un “tribunal pour les générations futures” est organisé pour discuter de sujets comme : Pour ou contre l’immortalité ? Faut-il fermer les prisons ? Faut-il supprimer le droit de vote ? La culture doit-elle être libre et gratuite ? Faut-il coloniser d’autres planètes ? Sommes-nous trop nombreux sur Terre ? Doit-on exploiter les animaux ?
  • En association avec 10/18, une collection “Le monde expliqué aux vieux” porte un certain regard sur notre société. Comme “La solitude” ou “La violence” .
  • En collaboration avec ARTE, le FutureMag va à la rencontre de ceux qui inventent l’avenir.
  • L’équipe rédige un blog : « Tout ce qu’on ne met pas dans le magazine…
    Mais qu’on veut quand même vous raconter.»
  • Et mon préféré (même s’il ne fonctionne pas encore bien sur mon smartphone) : l’application Future, qui publie des billets sur des idées novatrices (“Des supporters survoltés pour éclairer les favelas” , “Les avions australiens voleront à la sève” , “Nestlé veut créer un réplicateur de nourriture” ), sur lesquels on peut voter “Excitant” ou… “Déprimant” .

L’avenir a besoin de votre curiosité

Pas facile tous les jours de croire en l’avenir, quand les promesses de lendemains meilleurs se fracassent sur des réalités tragiques.” nous écrit Jérôme Ruskin, fondateur de la revue. “Quand est-ce que ça ira mieux ? Quand est-ce que le basculement vers une civilisation plus humaine se concrétisera enfin ?

Son magazine, écrit par une équipe “dévorée par la curiosité” , nous aide à voir l’avenir avec moins de pessimisme.

Vous pouvez vous y abonner ou les commander, l’acheter en librairie (mais à Bruxelles, je ne l’ai vu que chez Cook & Book), ou le lire en ligne.

Vous aussi, soyez curieux…

Un magazine pour combattre le pessimisme
Un magazine pour combattre le pessimisme

Le magazine "Usbek et Rica"...

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