Archives de catégorie : Lecture

Mes lectures aident à me forger une opinion, et m’inspirent certaines réflexions.

ExtraPaul lit l'enfermement planétaire

L’enfermement planétaire

Bon, je ne vois toujours pas la construction d’un grand vaisseau qui nous ferra quitter cette planète (on a juste une sonde arrivée sur Mars) : il va falloir continuer sur cette terre. Mais sommes-nous capable de gérer notre avenir ?

Le ciel va nous tomber sur la tête

André Lebeau prend de la hauteur par rapport au genre humain (étant scientifique dans le domaine spatial et météorologique, quoi de plus normal ?), et analyse son comportement par rapport aux défis qui l’attendent.

Lebeau se positionne clairement à l’opposé des géographes ayant écrit “Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête” : même si, par le passé, Malthus ou Meadows se sont trompés dans leur prévisions alarmistes, c’est une question de temps avant que nous rendions cette terre invivable. Certes, il y a les progrès techniques, grande inconnue dans les modélisations de notre avenir, mais cela n’y changera pas grand-chose.

On ne sera pas muté

L’homme s’est toujours mis en danger, par ses guerres, la création de virus, l’arme nucléaire. Mais ce ne sont que des menaces ponctuelles, ne mettant pas en danger l’humanité. Tout comme les catastrophe naturelles : éruptions volcaniques, tempêtes, tsunamis. 200.000 morts ? La démographie mondiale a été retardée de 1 jour !

Par contre, en impactant sa biosphère, l’homme programme son extinction à petit feu et de manière globale. S’il persévère ainsi, il a deux autres possibilités pour survivre :

  • conquérir d’autres mondes. Mais l’homme n’est même pas capable d’habiter dans les parties inhospitalières de la terre !
  • changer son organisme pour s’adapter aux futures contraintes. Si c’est possible, seule une élite en profitera.

Non, décidément, nous sommes bien condamnés à rester sur cette terre, en l’état. L’auteur analyse alors le fonctionnement de notre société et de nos cultures, car, comme le dit Jarred Diamond (dans son ouvrage “Effondrement”, page 495), “il est douloureusement difficile de décider qu’il faut abandonner certaines de ses valeurs centrales quand elles semblent devenues incompatibles avec la survie” .

Nous avons donc quelques problèmes à résoudre, dont voici les trois principaux…

ExtraPaul lit l'enfermement planétaire
L’enfermement planétaire, est-ce la même chose que la ruine planétaire ?

Tous patriotes : ça ne va pas nous aider !

Maintenant que les frontières sont établies, les pays ne peuvent plus résoudre leur crise en envahissant de nouveaux territoires. Au contraire, ils sont devenus interdépendants entre eux, échangeant nourriture, énergies, matières premières. Quoique le mot “échange” est plutôt gentil : on pourrait aussi parler d’exploitation des pays du tiers-monde par les pays riches.

Mais alors que nous parlons de “mondialisation”, les gens s’identifient toujours à leur nation : l’intérêt de celle-ci prime sur le futur de l’humanité. Et ce n’est pas le pays le plus puissant du monde qui va montrer l’exemple : les Etats-Unis font capoter toute tentative d’une gouvernance mondiale en protégeant son économie, et en imposant un libéralisme qui ne profite pas à tout le monde.

D’ailleurs, finalement, n’est-ce pas ce dernier qui dirige le monde ?

Le libéralisme risque l’enfermement

Promis juré, je ne voulais pas vous en parler, du libéralisme ! Encore lui ! Mais comment le taire, alors que cette économie ne vise que le court-terme ?

Pour Lebeau, voilà bien le dogme qui va nous envoyer droit dans le mur, c’est sûr, c’est juste une question de temps. Hélas, comme “on ne connait aucune alternative à l’économie libérale dont la viabilité soit démontrée” (page 318), la dictature de la croissance risque de continuer, ce qui nous mènera à une crise majeure ! Et qui dit crise, dit révolution. Peut-être un mal nécessaire…

Notons que si le libéralisme permet la libre circulation des capitaux et matières, il ne le permet pas pour les hommes. Si ça ce n’est pas chercher les problèmes…

La liberté risque l’enfermement

Pour l’auteur, le développement de notre société, de nos démocraties, de nos libertés, nous conduisent aussi à l’enfermement planétaire. Car, dans une certaine mesure, dans les pays les plus avancés, nous sommes libres de faire des enfants, libres de consommer et gaspiller ce qu’on veut, et libres de penser que l’humanité n’est pas en danger.

Et le gouvernement ne peut rien nous imposer, sous peine de verser dans la dictature. D’ailleurs il pourrait déjà hériter de cette étiquette en influençant nos comportements par des campagnes d’informations : la comparaison avec la propagande nazie est vite faite.

Dès lors, dans le monde “libre”, on ne peut que miser sur une prise de conscience : elle est en route, les ONG et l’abondance d’informations nous y aident. Cela peut nous conduire à une évolution (contre la révolution, citée plus haut), mais l’issue en est vraiment incertaine…

Du sang, de la sueur et des larmes

Ce livre a l’intérêt de s’inquiéter de notre futur par rapport au comportement de l’homme, et non par rapport à des projections techniques, démographiques, etc. Car comme l’a montré Jarred Diamond (“Effondrement”, cité à maintes reprises dans ce livre), des sociétés se sont déjà effondrées, faute d’avoir pu changer leur mode vie pour s’adapter à un environnement de plus en plus contraignant.

Et l’auteur est clairement dans le camp des pessimistes, car sa projection porte dans un futur indéterminé, au-delà de 2050, année à laquelle s’arrêtent les optimistes.

Laissons donc André Lebeau conclure cet article comme il conclut son livre : “Lorsque la nuit du Nazisme s’étendait sur l’Europe, mieux valait Churchill promettant à son peuple du sang, de la sueur et des larmes que les discours lénifiants de ceux qui serinaient aux Français : Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts.”

“L’enfermement planétaire”, par André Lebeau, Folio, 372 pages

"La plus grande des menaces qui pèsent sur l'humanité est celle qui résulte de sa division en Etats gardiens des intérêts et des privilèges de leur peuple comme de l'intégrité de leur territoire"

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Dicature de la croissance - perdue dans ma bibliothèque de consommateur

Dictature de la croissance

Voici 50 ans, on construisait des routes et des autoroutes, des aéroports et de collèges. Ce serait faire preuve de mauvaise fois que de nier l’évidence : le plus gros est fait.” Bon, et maintenant, on fait quoi pour entretenir l’économie ?…

Un monde de superflu

Depuis que je m’informe sur les dérèglements de notre monde, se pointe toujours à l’horizon une barrière qui parait infranchissable, qui met le holà à toute alternative de société : la “croissance économique”. Cette sacro-sainte croissance, dans laquelle nous sommes empêtrés, qui est la réponse à tous nos maux : “il faut relancer la croissance”. Il n’y a pas un jour sans que cette phrase ne sorte de la bouche d’un politicien, d’un journaliste, d’un analyste.

Certes, la croissance nous a apporté un niveau de vie incomparable. Mais elle a surtout fonctionné à la sortie de la 2ème guerre mondiale : ce furent les “trente glorieuses” en Europe. Maintenant que nous avons construit l’essentiel, nous produisons du superflu pour maintenir ce modèle économique : n’est-il pas temps de changer de recette ?

Un jouet mongole plutôt écologique
Des pierres, des vieux tissus et un peu de bouse : les petits mongols n’ont pas des jouets qui participent à la croissance !

Dans la douleur

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le livre de Gérard Moreau ne propose pas la “décroissance” (on en parlera donc une autre fois). Mais il entend bien nous montrer l’absurdité de la croissance, en nous rappelant d’abord que “le progrès économique s’est opéré dans la douleur, la déportation, l’esclavage et la mort pour des millions de personnes.” (page 41). Et qu’à l’heure actuelle, dans nos pays, “la grande pauvreté côtoie le luxe” . Si ce système aurait dû éradiquer la pauvreté de notre monde, on peut dire que le contrat n’est pas rempli !

L’esthétique de la croissance

Découpé en petits paragraphes numérotés (il y en a 278), l’auteur commence son inventaire par… la culture ! Eh oui, elle est une grande victime de la croissance : l’art devient un bien de consommation, nous ne sommes pas amateur d’art, nous sommes acheteur d’art. Nous voulons voir et entendre un maximum de choses sans prendre le temps de nous y intéresser. Les œuvres n’ont plus le temps de nous séduire !

S’y ajoute une standardisation de la culture, et même de tout ! Car “La standardisation constitue l’un des fondements de la société de croissance productive” (page 57). Propulsée par la télévision, matraquée par la publicité, la culture est en passe de devenir le principal agent de la production, venant au secours d’une industrie qui ne sait plus quoi nous vendre…

L’emploi c’est fini : tant mieux

Au lieu d’y voir la fin d’un long cycle de croissance et le signe avant-coureur de la fin d’une époque, nous le subissons presque tous comme un fléau” (page 80). C’est du chômage que parle ensuite Moreau. Il rejoint les idées de Jeremy Rifkin : les machines produisent mieux, le travail s’automatise, tandis que la majorité des gens (c’est à dire celle à laquelle s’intéresse l’économie !) a déjà tout ce qu’il faut. Ce sont deux facteurs convergents pour éliminer du travail, et pourtant on continue à prendre des mesures pour créer de l’emploi et chasser le chômeur. Alors que le temps libéré par moins de travail augmenterait les relations sociales.  “Serait-il insupportable de rencontrer des chômeurs heureux ?” (page 83).

Et avec le nombre croissant d’étudiants en hautes études, ne devrait-on pas y voir une soupape de sécurité permettant de retarder les nouvelles générations sur le marché du (non)travail ?

Une bonne guerre

Continuons donc à noircir le tableau, et cette fois notons en vrac : la réduction de durée de vie des produits (l’obsolescence programmée), la concurrence entre sociétés qui augmente le stress des travailleurs, la concurrence entre pays qui détériore les droits sociaux, la destruction des denrées pour maintenir les cours, l’envahissement de nos espaces par la publicité.

Et où est la morale quand on sait que vendre plus d’armes, plus de médicaments, ou reconstruire après une catastrophe, contribue à la bonne santé de la croissance ? Faisons une guerre : la croissance, elle va… exploser !

L’alternative passe par nous

Bon, arrêtons-nous là. Peut-on effacer ce tableau et envisager autre chose ?

Pour Moreau, il faudrait avant tout un courage de la part des décideurs : la société est tellement imprégnée du dogme de la croissance qu’envisager un autre horizon fait peur. Et c’est la le principal obstacle, car après tout, si on a été capable d’aller sur la lune…

En fait l’auteur ne propose pas vraiment une autre alternative économique, ce n’est pas son but. Son livre doit juste nous réveiller, nous faire réagir, nous inviter à vivre autrement, et le but est atteint sans nous ennuyer. Car le changement arrivera par la masse, celle-là même qui fait vivre la croissance en consommant sans compter.

Alors, si vous êtes choqué par ses propos encourageant à moins travailler, si la consommation contribue à votre bonheur, si vous croyez que vous n’êtes riche que par l’argent, c’est bien une société de croissance qu’il vous faut. Demandez-vous juste si c’est la société qui répond ainsi à notre nature humaine, ou si c’est la nature humaine qui a été changée par notre société…

Dicature de la croissance - perdue dans ma bibliothèque de consommateur
Dans ma bibliothèque de grand consommateur, ce livre est-il à sa place ?

“Dictature de la croissance” par Gérard Moreau, 167 pages, éditions Ginkgo.

"Avec son explosition planétaire, le concept de croissance a rencontré ses limites. (...) Il faudrait maintenant qu'il quitte la scène de l'histoire." (page 120)

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ExtraPaul lit L'écologie en bas de chez moi

L’écologie en bas de chez moi

Peut-on lire avec plaisir un récit critiquant le comportement écologique, surtout quand nous ressemblons à un des personnages, qui en prend pour son grade ? Oui, on peut, et je le recommande. Tant pis si ça fait mal !

Un film de propagande

Iegor Gran, l’auteur, est un écrivain journaliste, et son récit commence quand il doit faire un papier, pour Libération, sur “Home” de Y. Arthus-Bertrand. “Leni Riefenstahl en avait rêvé, Yann-Dieu la fait” . Voilà la première phrase qui devait commencer son article, et qui fut censurée.

Un peu fort, cette référence à la propagande allemande ? Non, nous répond l’auteur : il voit dans “Home” les mêmes techniques et, pire, celui-ci bénéficie d’une sortie mondiale, avec le soutien de personnalités, et une publicité démesurée. C’est la goutte qui fait déborder le vase : trop d’écolos, trop de greenwashing, trop d’intrusions dans nos comportements, trop de conseils infantilisant !

En territoire ennemi

Parlant de son quotidien (on ne connait pas la part réelle et la part de fiction), Gran analyse les faits et gestes de son entourage, et en particulier de son meilleur ami, Vincent, écolo bobo qui marche au vert pour ce qui l’arrange, suit le mouvement sans esprit critique : “Les catholiques utilisent l’eucharistie pour se purifier des péchés passés et se préserver des tentations futures. Vincent, lui, va au salon “Planète Durable” à la porte de Versailles.” (page 45).

Mais Vincent se hérisse du comportement de l’auteur, et ils finissent par ne plus se voir. C’est une belle amitié qui s’arrête à cause d’un sujet qui fâche, et cela donne la mesure de l’emprise du dogme écologique : la discussion n’est plus permise, émettre des doutes vous met dans le camp des ennemis. Vous devenez infréquentable !

ExtraPaul lit L'écologie en bas de chez moi
J’ai beau faire des efforts : mon chien est plus écologique que moi !

Le dogme écologique

“Même pas mal”, écrit l’auteur : il a beau aller à contre-courant, il persiste à répondre à Vincent, à son voisin, au monde, qu’il ne marche pas dans les rangs, qu’il refuse qu’on lui impose cette religion verte. Mais attention, l’auteur en a après la forme, pas le fond. Il ne se juge pas compétent pour savoir qui a raison, qui a tort, même si le GIEC en prend pour son grade. D’ailleurs il déplore que les contre-arguments des climato-sceptiques, Claude Allègre en tête, soient si peu à la hauteur !

Malgré tout, l’auteur s’est documenté, et il agrémente son récit de notes de bas de pages (ils sont tellement nombreux qu’ils constituent le tiers du livre, à vue de nez), documentant ou complétant ses propos. Et ces notes ne manquent pas de piquant ! Ainsi, quand il voit chez Vincent des ampoules fluocompactes vissées dans des lanternes de fiacre du XIXème, une note de bas page explique la procédure d’urgence en cas de casse (rappelons que ces ampoules contiennent du mercure) : sauve qui peut !

La mort de la culture

Si Gran n’écrivait pas avec autant d’humour et de perspicacité, son histoire ne plairait qu’à ceux qui ne comptent rien changer à leurs habitudes, qui ont pour dicton “Après nous, le déluge” : ils pourraient alors brandir ce livre en braillant “Lisez ce qu’on en pense, de vos préoccupations environnementales. Y’en a marre, foutez-nous la paix”.

Mais l’auteur ne se situe pas tout à fait dans ce camp-là, ou à tout le moins tient une attitude plus réfléchie. On peut ne pas être d’accord avec lui, mais au moins sa position est argumentée. Lui aussi pense que “le ciel ne va pas nous tomber sur tête” . Il s’inscrit dans la pensée humaniste qui met l’homme et son œuvre en avant, ce qui lui fait dire que la pression écologique tue la culture…

On n’a pas la même religion, ce n’est pas grave

J’avais introduit l’article en m’assimilant à un des personnages. Ce n’est que partiellement vrai – du moins je l’espère. Car oui, comme Vincent, je suis assez préoccupé par les questions environnementales, et j’avoue mon émotion en regardant les films de Yann Arthus-Bertrand et Nicolas Hulot. Mais par contre je cherche aussi la contre-expertise, et j’aurais eu plaisir à discuter avec un ami comme Iegor Gran, plutôt que de me disputer avec lui.

En tout cas, son livre m’a confirmé ce que j’ai très vite appris : ce n’est pas parce qu’on a des préoccupations environnementales qu’il faut les imposer aux autres. Mes amis, je ne les ai pas parce qu’on partagerait la même religion…


Pour mieux comprendre les motivations de Iegor Gran…

“L’écologie en bas de chez moi”, par Iegor Gran, 189 pages, éditions P.O.L.

Gestes écologiques, nourriture bio, commerce équitable, etc

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