Archives de catégorie : Lecture

Mes lectures aident à me forger une opinion, et m’inspirent certaines réflexions.

50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation

Faut-il persévérer dans l’agriculture industrielle ou, au contraire, aller vers le bio ? Mange-t-on plus mal qu’avant ? Comment sortir les pays du Sud de la faim ? Un livre répond à 50 questions de ce type.

Vrai, ce livre n’est pas rassurant

En commençant ce livre, je m’attendais voir certaines de mes convictions ébranlées : je souhaitais presque que son auteur, Marc Dufumier, me dise que tout ne va pas si mal, et que ce catastrophisme autour de notre alimentation n’existe que pour vendre des produits plus chers à des écolos bobos et à des disciples du new age.

En fait non : son bilan sévère sur l’agriculture et notre santé ne m’a pas rassuré.

Cet agronome, professeur émérite, expert auprès des Nations unies et de la Banque mondiale, a à son actif quelques dizaines de missions dans des pays en voie de développement : il connait la réalité du terrain.

Il nous propose donc un tout d’horizon, en 50 affirmations, auxquelles il répond par un “vrai” ou “faux”, suivi d’une argumentation sur quelques pages. Facile à lire, direct, clair : voilà un livre efficace.

Mais l’auteur détient-il la vérité ? Si oui, il est temps de changer notre agriculture.

Que se passe-t-il vraiment dans nos campagnes ?
Que se passe-t-il vraiment dans nos campagnes ?

Belles mais sans goût

Car Dufulier tire à boulets rouges sur notre agriculture industrielle et son pendant, la recherche du profit qui nous conduit à une alimentation de plus en plus pauvre. Sans compter les ravages environnementaux.

  • vrai, la plupart des tomates n’ont plus de goût. Car elles sont choisies pour leur résistance au transport, leur conservation et leur calibre ;
  • vrai, nos races animales sont en voie de disparition. Adieu les vaches de races augeronne, betizu, bressane, garonnaise… Seules les espèces les plus performantes demeurent, entraînant un patrimoine génétique dégénératif (consanguinité) ;
  • faux, l’agriculture française ne doit pas se mécaniser pour être compétitive. Elle sera toujours perdante face aux exploitations plus grandes et moins chères de certains pays. Il faut au contraire privilégier une agriculture plus écologique, créatrice d’emplois, fournissant des produits de qualité ;
  • faux, les rendements agricoles n’augmentent pas dans les pays industrialisés. Car les sols sont dégradés, le coût des produits chimiques augmente, et les parasites résistent de plus en plus aux pesticides ;
  • faux, l’agriculture industrielle ne vend pas des produits bon marché. Car il faut calculer les coûts indirects imputés aux contribuables, pour réparer les dégâts écologiques ou payer les frais de notre mauvaise santé.

Dix ans en moins

Une mauvaise santé, disais-je ?

Oui, car le premier chapitre du livre, l’idée reçue n°1, est intitulé ainsi : “L’espérance de vie dans les pays industrialisés ne cesse d’augmenter, notamment grâce à la meilleure qualité des aliments. FAUX.”

Et oui, alors que notre espérance de vie a augmenté durant le XXe siècle, elle stagne depuis le début de ce nouveau millénaire, et nos jeunes de 20 ans risquent de vivre dix ans de moins que nous ! “En cause : les perturbateurs endocriniens, que l’on trouve dans notre environnement et dans notre alimentation, à savoir les résidus de pesticides dans les fruits et légumes, les hormones dans le lait, ou les anti-inflammatoires et antibiotiques de la viande.” (p. 17)

Aux États-Unis, l’espérance de vie a même entamé sa décroissance. Mais pas de conclusions hâtives : si la nocivité des pesticides sur la santé est scientifiquement démontrée, elle n’est pas encore statistiquement avérée. C’est une faille que les lobbies de l’industrie alimentaire s’empressent d’exploiter.

Bio pour bobos

"Une poule pondeuse est abattue, épuisée, à 18 mois, alors qu'elle pourrait vivre 10 ans" (p. 74) - image (c) GAYA
“Une poule pondeuse est abattue, épuisée, à 18 mois, alors qu’elle pourrait vivre 10 ans” (p. 74) – image © GAYA

Vous l’avez compris : l’auteur ne trouve aucun avantage à l’agriculture industrielle, et prône une agriculture alternative, qui a plus d’avenir.

Cette nouvelle agriculture se retrouve en partie dans le “bio”, une technique tout aussi savante car elle joue avec l’écosystème qu’il faut comprendre et maîtriser. Certes, les rendements ne sont pas aussi élevés que dans l’agriculture industrielle, mais ils ne concernent que les pays du Nord. Or, ce sont les pays du Sud qui souffrent de la faim, alors qu’il leur reste des terres vierges de toute activité intensive : les techniques du bio pourraient y augmenter les rendements.

Les obstacles qui empêchent le Sud de recouvrer son autonomie alimentaire et donc de réduire, voire d’anéantir, la fin dans le monde ne sont pas d’ordre agronomique mais relèvent de l’économie et de la politique : c’est sa dépendance à l’égard du modèle de l’agriculture industrielle du Nord qui l’entrave dans son développement.” (p. 127)

Alors c’est “VRAI : les produits bio, plus coûteux, sont réservés aux bobos.” (p. 129). Mais c’est parce que les producteurs bio ne sont pas encore assez nombreux et regroupés.

Alors il importe aux “bobos”, dont je fais partie, de donner le coup de pouce à ce marché

À vous de jouer !

“50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation”, Marc Dufumier, 255 pages, Allary Editions

VRAI, acheter des produits du commerce équitable contribue au développement économique et social des pays du sud (mais son impact est infime) (p. 205)

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Climat : et si la terre s’en sortait toute seule ?

Et si l’homme n’était pas le principal responsable du réchauffement planétaire ? Voici un livre qui fait front à l’idéologie écologique (pour reprendre les termes de l’auteur).

Paroles d’un écologue

Laurent Cabrol, vous connaissez peut-être son visage ou sa voix : journaliste , animateur, et surtout monsieur météo sur France 2 de 1987 à 1992. C’est cette fonction qui lui donne une certaine légitimité pour avoir écrit ce livre “à contre-courant” (dixit la couverture).

Et si la terre pouvait s’accommoder de nos excès ? Et si la nature possédait des ressources insoupçonnées pour digérer nos folies et générer des contre-feux ?” (p. 8)

Et si nous arrêtions de nous culpabiliser sur notre mode de vie ? Si nous vivions pleinement notre monde moderne ? Voilà le message sous-entendu par l’auteur.

D’ailleurs il se définit comme un “écologue”, plus scientifique et moins vindicatif qu’un écologiste : “[…] gardons-nous des conclusions hâtives : les calculs d’aujourd’hui sont peut-être les erreurs de demain.” (p. 71)

Du supportable à l’apocalypse

Je ne conteste pas ce réchauffement, je fus même l’un des premiers à l’inclure dans mes propos météorologiques. Mais je réfute que l’on accuse l’homme de tous les maux sans tenir compte de la variabilité naturelle du climat et de l’approximation des recherches.” (p. 111)

Concernant la variabilité, l’auteur nous dit que “la terre en a vu d’autres” . L’histoire de l’homme est émaillés de froids extrêmes, de canicules, d’inondations et de tempêtes. Il a connu le petit âge glaciaire entre 1550 et 1850 et est entré maintenant dans “une période de réchauffement global mais avec des excès qui sont, fort heureusement, pour l’instant, supportables.” (p. 95)

Quant à l’approximation des recherches, l’auteur en veut principalement au GIEC, évidemment. Ces scientifiques, en plus de négliger les hauts et les bas de notre histoire météorologique, ne peuvent se reposer que sur des sciences trop immatures pour appréhender le climat. Leurs conclusions sont donc approximatives et discutables, voire fausses.

Je rappelle que le GIEC, dans son dernier rapport de synthèse (novembre 2007), avance une estimation de + 1,6 à + 6,4 °C d’ici à 2100. Quelle fourchette ! En fait, on passerait du supportable à l’apocalypse !” (p.36)

"La Terre en a vu d'autres !"
“La Terre en a vu d’autres !”

La faute au soleil ?

Voici quelques points que Cabrol considère comme mal compris, voire ignorés, par le “fameux consensus” :

  • La nature des nuages explique en partie les différences de température sur notre planète. Mais “On ne sait rien sur le rôle des nuages et ils sont l’une des clés essentielles du réchauffement. La Terre peut donc nous surprendre et réagir à sa manière pour s’en sortir toute seule.” (p. 57)
  • L’océan est une grosse machine thermique (thermohaline), dont les effets de bord s’étalent sur des dizaines d’années : “est-ce que le climat qui est le nôtre aujourd’hui a été déterminé, il y a quelques siècles, dans un autre coin du globe ?” (p. 32)
  • On ne connait pas encore le fonctionnement de El Niño, ce courant d’air soufflant dans le Pacifique entre l’Indonésie et le Pérou. Il s’inverse régulièrement, influençant la météo dans le même sens. Ce phénomène est inexpliqué et “donne une nouvelle preuve que, en matière de climat, la complexité est immense et les mystères encore nombreux.” (p. 40)
  • La banquise et les glaciers fondent, c’est une évidence. Mais la Terre a déjà connu ces phénomènes : “nous sommes entrés dans une période de changement climatique naturel comme il en existe des dizaines dans l’histoire géologique de la terre, une histoire qui date de 4,5 milliards d’années.” (p. 65)
  • Certaines études disent que le Soleil serait dans une phase ascendante de chaleur : “Et si, en chauffant plus, le Soleil était en fait le principal responsable de la poussée de CO2 dans l’atmosphère ?” (p. 75)

On se moque de nous

Le réchauffement climatique est décidément un sujet polémique. Même s’il existe un consensus pointant du doigt les activités de l’homme, ne restons pas sourds aux voix qui contestent la pensée unique : “Si nous pensons tous la même chose, c’est que nous ne pensons plus rien…” (p. 101)

Mais cette voix-ci est-elle crédible ?

Quand l’auteur nous parle d’une Belgique qui perd 10 % de sa population… au XIVe siècle !, on peut supposer que les raccourcis sont nombreux dans ce petit livre qui survole des domaines scientifiques faisant l’objet de milliers de pages du GIEC et d’autres publications. Je vous invite d’ailleurs à voir comment Cabrol se défend face à Yves Cochet, fondateur des Verts.

En tout cas, n’attendons pas de notre homme, qui a aussi été animateur des Chiffres et des Lettres et du Téléshopping, une mise en cause de notre mode de vie. Qu’il qualifie de “coup d’État masqué” la perte de 1.500 places de parking, à Paris, au bénéfice des emplacement Vélib’, en dit long sur ses valeurs, assez éloignées des miennes…

Et quand la Belgique sera à moitié sous eau, on se dira que la Terre s’en sortira bien toute seule. Quant à l’homme…

“Climat : et si la Terre s’en sortait toute seule ?”, Laurent Cabrol, 123 pages, J’ai Lu.

Laurent Cabrol, comme Claude Allègre, Michael Crichton, Bjorn Lomborg, sont sceptiques sur l'origine anthropique du réchauffement climatique

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Nous sommes ce que nous mangeons

Nous saccageons la planète pour nous nourrir… mal. Mais cela peut changer. Voici un livre qui nous montre la lumière au bout d’un tunnel bien obscur.

Effondrements alimentaires

Jane Goodall est surtout connue comme primatologue, ayant fait évoluer notre regard sur les singes, et par là même celui sur l’homme.  Très influente et médiatique, multi-récompensée, son étude du milieu sauvage l’a amenée à devenir une ardente défendeuse des causes environnementales.

Son livre “Nous sommes ce que nous mangeons” dénonce l’industrie alimentaire, avec ses ravages sur notre santé comme sur l’environnement.

On pensait que le XXIè siècle apporterait un confort sans limites aux nations industrialisées, à la place on assiste à un effondrement des habitudes alimentaires.” (p. 293)

Ce livre est sorti en 2005, et depuis lors des tonnes d’articles, de reportages et de livres sont sortis sur le sujet, tandis qu’un virage vers une nourriture plus saine et respectueuse de l’environnement est clairement entamé. Il est donc difficile d’apprendre de nouvelles choses en le lisant, d’autant qu’il faut prendre les propos de l’auteure avec prudence : elle ne donne pas ses sources et on sent souvent le cri du cœur prendre le dessus sur l’analyse scientifique.

La pilule rouge

Pour autant, tout cela est toujours d’actualité.

Mais quoi donc ? Et bien citons l’auteure, dans sa conclusion, pour vous faire prendre la pilule rouge si vous croyez toujours vivre dans un monde parfait :

Nous vivons des temps difficiles. Les multinationales contrôlent presque toutes les réserves alimentaires du monde ainsi que les brevets de nos semences. Des milliards d’animaux d’élevage vivent dans des conditions misérables. Les êtres humains et les animaux sont de plus en plus contaminés par les produits chimiques qui ont été répandus avec excès sur les champs, semences et aliments, empoisonnant l’eau, le sol et l’air de la planète. […] Des milliards de tonnes d’énergies fossiles servent à transporter nos aliments d’un bout à l’autre de la planète […]. La monoculture subventionnée par les gouvernements use de l’essence pour le plus grand bien des fabricants de hamburgers et de steaks. […] Les exploitations familiales doivent déposer le bilan. […] L’eau se fait de plus en plus rare et sa pollution ne fait qu’augmenter.” (p. 365)

Il est tant d'évoluer dans notre alimentation
Il est tant d’évoluer dans notre alimentation

La récolte de l’espoir

N’allez pas croire que Goodall ne fait que dépeindre un monde noir et inhumain, sur presque 400 pages.

Son livre commence par une analyse zoologique et anthropologique de la manière de s’alimenter, d’où le titre francophone du livre, que je trouve mal choisi puisque son but est de nous amener sur la voie du changement, comme l’indique clairement le titre original : “The harvest of hope” (La récolte de l’espoir).

Nostalgique de son enfance, remplie de bons souvenirs à la ferme, Goodall prône un retour à un rapport plus éthique avec notre alimentation : des animaux mieux traités, des cultures exploitées avec moins d’agressivité. Et plus de respect pour notre nourriture : prenons le temps de manger, et ne gaspillons pas.

Les initiatives ne manquent pas pour aller à contre-courant de l’industrie alimentaire, ainsi que d’éduquer la nouvelle génération pour qu’elle retrouve… ses racines. C’est bien le but du projet The Edible Schoolyard, qui met les écoliers en contact avec la terre nourricière. Ou le projet éducatif Roots & Shoots, effectif dans 130 pays, fondée par l’auteure elle-même.

Ce que vous pouvez faire

Goodall s’est faite la porte-drapeaux d’un nouvel espoir, et aujourd’hui on peut dire que le mouvement s’est amplifié.

Du bio dans le supermarché : Jane en a-t-elle rêvé ?
Du bio dans le supermarché : Jane en a-t-elle rêvé ?

Son livre regorge de conseils que nous connaissons bien aujourd’hui : mangez local, de saison, éviter le gaspillage, n’achetez pas l’eau en bouteille, etc.

Ce n’est pas toujours évident, mais nous verrons dans mon prochain article qu’une des nombreuses initiatives est, peut-être, à portée de votre main.

En attentant, concluons avec Goodall, qui écrivait avant que le mot “consom’acteur” soit à la mode : “Rappelez-vous bien que chaque aliment acheté est un vote. Nous pouvons être tenté, en tant qu’individus, de penser que nos petites actions ne comptent pas vraiment, qu’un plat ne fera pas la différence. Mais, justement, chaque plat, chaque bouchée est riche d’une longue histoire qui nous raconte où ces aliments ont été cultivés, élevés, récoltés. Nos achats, nos votes détermineront la suite du parcours. Des milliers et des milliers de votes sont nécessaires pour encourager les méthodes d’agriculture qui rendront la santé à notre planète.” (p. 374)

“Nous sommes ce que nous mangeons”, Jane Goodall, 379 pages, Babel

"Ce n'est qu'en joignant nos forces et en refusant d'acheter des aliments mélant la souffrance au poison que nous pouvons nous élever contre la puissance des multinationales..." (p. 374)

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