Un pays peut-il aller à contresens de la mondialisation et du libéralisme ? L’Équateur s’y essaie, avec un président charismatique à sa tête…
Le président vous salue
En ce lundi 29 octobre 2012 nous sommes sur la Place de l’Indépendance, Quito, Équateur. Il est presque 11h, et une foule s’est assemblée, sous l’étroite surveillance de policiers surarmés et prenant leur rôle très à cœur (càd qu’ils n’ont pas l’air commodes et qu’on n’ira pas leur demander du feu !).La raison de ce dispositif ? Il apparait bientôt sur le grandiose balcon qui nous surplombe : c’est le président de l’Équateur, venu assister au changement de la garde présidentielle. Entouré de toute une suite (est-ce miss Équateur là plus loin ?), il salue la foule et celle-ci le lui rend bien : vivas et banderoles l’accueillent avec une ferveur non simulée, on sent bien que le président a trouvé sa place dans le cœur de son peuple.
Mais qu’a-t-il donc fait ?
“El ecuador ya no esta en venta” (l’Equateur n’est plus en vente), “Es hora de luchar por nuestro patria” (Il est temps de se battre pour notre patrie), lit-on sur les banderoles…
Économiste de gauche
Il s’appelle Rafael Correa, a 49 ans et est assez bel homme si l’on écoute l’avis de la gente féminine – mais ça n’influencera pas mes propos ! Il a fait des études d’économie à l’UCL (où il a rencontré son épouse belge), aux USA puis dans son pays : cela a fait de lui un économiste… “de gauche” ! Il a sans doute bien assimilé le dogme du néo-libéralisme, mais a conclu que ce n’était pas bon pour son peuple !
Résultat : quand, fin 2006, mr Correa devient président de l’Équateur, il prend une série de mesures, que l’on approuvera ou critiquera, mais qui ont le mérite de suivre ses convictions : des actes, pas des simples promesses électorales ! Voyez plutôt :
- Il met en place un Comité d’Audit qui décidera de ne plus rembourser une partie de la dette, jugée illégitime. [1]
- Le pays vit principalement du pétrole (membre de l’OPEP) : il renégocie les contrats avec les sociétés pétrolières, pour augmenter à 70 % les rentes à l’État. Il est même question de nationaliser le secteur pétrolier. [2].
- Se voulant d’un “Socialisme du XXIème siècle”, il multiplie les mesures sociales : triplement des dépenses en matière d’éducation et de santé, doublement des allocations pour les mères célibataires, aides aux petits paysans, baisse du prix de l’électricité. [3]
- Il régularise le système bancaire. [4]
Voilà pour les faits marquants. Mais l’Équateur et son président peuvent nous étonner avec d’autres mesures réactionnaires…
Les droits de la terre
Le peuple a approuvé en 2007 le nouveau projet de constitution. Ses articles vont dans le sens du social [5], vous l’aurez deviné, mais établissent aussi les “droits de la terre”. Ainsi on trouve l’article 71 : “La nature a le droit d’exister, de maintenir ses cycles vitaux, sa structure, ses fonctions et ses processus d’évolution. Toute personne, communauté, peuple, a la capacité de demander à tout organisme public la reconnaissance des droits de la nature.”
En conclusion, la constitution Équatorienne est devenue un instrument de résistance contre les agissements des multinationales… et du gouvernement lui-même, ce qui est bien nécessaire ! Car le pays est écartelé entre sa riche biodiversité et son pétrole. Ce qui le met dans une position contradictoire, illustrée par ces deux exemples :
- Les indiens de Sarayaku se battent pour protéger leur territoire contre l’industrie du pétrole. Un comble, au vue d’une constitution qui devrait justement les protéger. [6]
- Le projet Yasuni ITT part d’une bonne intention : l’Équateur demande un dédommagement à la communauté internationale, pour compenser les pertes de rente dues à la non exploitation de ressources pétrolières en Amazonie – épargnant ainsi le monde des gaz à effet de serre. Mais pourquoi faire surgir ce problème hors de ses frontières, alors que sa constitution est censée protéger ces territoires contre toute forme d’exploitation ? [7]
Pauvre Rafael
Retour sur la Place de l’Indépendance, où nous partageons l’exaltation des Équatoriens : je photographie le président tandis que me trotte en tête le chiffre de 5 %. Oui, 5 % de chômage [8], c’est ce que venait de me dire notre guide local.
Ah ça oui, le peuple équatorien peut bien être fier de son président. Mais fait-il vraiment l’unanimité ? “Les riches ne l’aiment pas”, me répond notre guide. Voilà une réponse sans surprise. Le constat n’est-il pas plutôt “A part son peuple, personne ne l’aime” ?
Car notre président semble mettre les moyens pour contrôler les médias à son avantage [9], et avoir le peuple avec lui, plutôt que son parlement.
Voilà un homme qui me donne l’impression de vouloir aller jusqu’au bout de ses convictions, contre vents et marées, et tant pis si la démocratie en prend un coup, tant pis si ses décisions ne servent pas la mondialisation. Hélas, c’est sans doute cette dernière qui décidera du sort du pays. Allez jeter un œil sur l’étude économique faite par la Coface : voilà sur quoi est jugé un pays, et ça me désole !
Alors je préfère garder l’image, certainement subjective, que peut avoir un touriste n’ayant passé que deux semaines dans cette contrée : celle d’un “pays du sud” qui s’en sort bien, qui prend son destin en main, et qu’on aimerait montrer en exemple…
Pourvu que son capitaine ne se fasse pas emporter par la tempête…
Merci beaucoup Paul pour cet article, c’est bien fait comme je vous avez dit l’Equateur c’est un petit pays qui change completement grace a notre president Rafael Correa qui a fait des bonnes choses pour le peuple et non pour les riches comme avant.
Je dit aussi VIVA EL PRESIDENTE.
Angel Martinez