Il y a un an apparaissait dans les journaux, les abris-bus, en grandes affiches, une invitation à se faire une opinion sur le nucléaire : rendez-vous sur le “forum nucléaire” , ce Prévisualiser les modificationsque je n’ai pas manqué de faire.
Je ne me mouille pas (encore)
Bien vite, et personne n’a été dupe, je compris que ce “forum” n’avait rien de neutre, c’était plutôt un moyen de propagande, dans le plus pur style que j’exposais dans l’industrie du mensonge.
Rappelons qu’un “forum”, au sens moderne du terme, est un lieu de discussion, d’échanges d’idées, encourageant la contre-expertise. Sur le site susmentionné, rien de tel : plutôt un dialogue à sens unique, sous la forme de dossiers thématiques, dont le discours en faveur du nucléaire ne fait aucun doute.
Mais fait, suis-je pour ou contre le nucléaire ? Eh bien… plutôt contre. C’est que j’aimerais voir l’argent investi dans les énergies renouvelables plutôt que dans la poursuite du nucléaire. Mais est-ce réaliste, dans l’état actuel des choses ? Les informations sont tellement contradictoires dans ce domaine que j’ai difficile à me faire une opinion tranchée. Je reviendrai sur ce sujet plus tard, avec plus de connaissances. Revenons à notre forum…
Une question qui dérange
Nous sommes en mars 2012, et je le parcours dans le but de le prendre en défaut. Car le seul dialogue qui nous est proposé est de poser une question : je cherche donc de quoi en motiver une qui dérange…
Et je la trouve, ma motivation, dans la rubrique Énergie, à propos de l’uranium. On nous y explique que “Les ressources minières d’uranium identifiées dans le monde permettent de couvrir 85 années de production d’électricité au rythme actuel.” Ce qui est honnête, puisqu’il est couramment admis que l’on aurait pour un siècle d’uranium-235. Ensuite les infos sont, comment dire, plus douteuses (ou d’un optimisme flagrant) puisqu’on aurait pour 270 années en réserves exploitables “estimées”, voire 675 années en exploitant l’uranium dans les phosphates suivant une “technique connue et maîtrisée” (675 années et non 7 siècles : ne mettons pas en doute ce calcul précis !). Et pour finir en beauté : “L’uranium peut aujourd’hui être extrait de l’eau de mer.”
Et c’est là que je dis stop, je lève la main, j’ai une question !
Car je viens de lire “Mal de Terre” de Hubert Reeves. Et que dit cet homme de science dont la réputation n’est plus à faire ? En page 75 : dans la mer, c’est 3 grammes d’uranium pour 1000 tonnes d’eau. Et donc, “Pour contribuer de manière significative à la demande mondiale, il faudrait en récupérer des centaines de milliers de tonnes en traitant, chaque seconde, une quantité d’eau équivalente à trois mille fois le débit du Rhône.”
Allez hop, je me frotte les mains, échauffe mes dix doigts, et tape ma question qui dérange : “Dans la section Énergie blablabla… eau de mer blablabla… alors que des scientifiques comme Hubert Reeves blablabla… plus d’explications ?… des expériences concrètes ?” . Mais la page web refuse d’envoyer la question : j’ai dépassé les quelques dizaines de mots autorisés ! Non, décidément, je ne suis pas dans un forum ! Je revois donc ma prose et la réduit à une taille… atomique ! “L’uranium peut aujourd’hui être extrait de l’eau de mer. Peu de scientifiques y croient ! Pourriez-vous développer ?” C’est tout, click sur “Envoyer”, et c’est parti : déjà j’imagine de l’autre côté un professeur en blouse blanche regardant ma question avec ses grosses lunettes…
La faute à Greenpeace
Dans les jours qui suivent, je ne vois pas de réponse. En fait, je ne suis même pas sûr que ma question soit partie là où il faut (depuis lors le site a changé et c’est beaucoup plus clair). Puis les semaines, puis les mois passent, sans réponse.
Il faut dire qu’entre-temps, l’anniversaire de Fukushima arrive, et Greenpeace lance sa campagne invitant les sympathisants à poser la question “Comment le forum nucléaire fêtera-t-il l’anniversaire de Fukushima ?” . Ce qui a pour conséquence, disons, un passage à vide du forum…
Et puis surprise, alors que je commence cet article pour dire que le forum ne répond pas à ma question, eh bien si, ils y ont répondu !
Je ne mérite qu’un copier-coller
Je lis la réponse mais ne suis pas satisfait. Même déçu, car je découvre en googlelant que cette réponse contient partiellement un texte du site Alternatives (Parler autrement de l’énergie), site mis en place par… Areva ! En plus, ce texte date de 2007. Mon professeur à grosses lunettes s’est donc contenté de faire un copier-coller d’un vieux texte !
Et puis il y a cette explication sur l’extraction dans la mer, qui ne deviendra rentable que quand le coût de l’énergie augmentera : voilà comment bien… “noyer le poisson” ! Développons…
Le gouffre énergétique
L’uranium a ceci de particulier : c’est un minerai qui ne sert… qu’à l’énergie, et rien d’autre. Dès lors “les gisements d’uranium ne sont des ressources en énergie que si leur exploitation permet de produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme” (à lire sur “De l’uranium jusqu’à quand ? Lorsque nous tomberons dans le gouffre énergétique” ). Plus un élément est pauvre en uranium, plus on dépense de l’énergie pour l’extraire : “l’énergie nette chute de plus en plus rapidement dans un gouffre énergétique”.
Entre 0,01 % et 0,02 %, actuellement, l’énergie nette est nulle : on est au fond du gouffre. Et quel est le taux de concentration dans l’océan ? 0,0000003 % !
Alors, quand les experts nous disent qu’il y a 4.500 millions de tonnes d’uranium sur notre planète, je répondrai par un chiffre encore plus fou : la Terre reçoit en permanence une énergie solaire équivalente à cent millions de réacteurs nucléaires (“Mal de Terre”, page 90). N’est-ce pas mieux que ces misérables atomes d’uranium dans la mer ?