Comment l’Islande a vaincu la crise

Avec la crise bancaire de 2008, l’Islande a pris des mesures à contre-courant des “bonnes pratiques” économiques. Est-ce à exemple à suivre ? Un livre nous aide à y voir plus clair…

Le pays des légendes

Pascal Riché, journaliste et co-fondateur de Rue89.com (éditeur de ce livre), est allé sur place pour recueillir des témoignages de premières mains : son petit livre “Comment l’Islande a vaincu la crise” nous replonge au cœur de la tourmente, et nous donne un autre regard sur une sortie de crise par quelques bonnes décisions, pas toujours aussi héroïques qu’on aimerait le croire…

Tout commence avec un pays moderne, “libre et rebelle”, premier en I.D.H. en 2007…

L'Islande s'en sort à coups de casseroles
L’Islande s’en sort à coups de casseroles

Un pays hedge fund

La finance est alors totalement dérégulée, sous l’impulsion d’un gouvernement pris de passion pour les théories du néo-libéralisme : des banques de taille mondiale voient le jour. Le pays, bénéficiant d’une excellente cotation, peut emprunter en devises étrangères à tour de bras. Les islandais vivent à crédit et consomment sans compter. C’est tellement simple : un prêt peut être contracté par le simple envoi d’un SMS !

En 2008, les banques islandaises pèsent 10 fois le PIB du pays : c’est une bulle qui n’attend qu’une épingle… Qui vient avec la chute de la banque Lehman Brothers, le 15 septembre 2008.

Que Dieu sauve l’Islande

On doit cette phrase au premier ministre, clôturant ainsi son message adressé à la population. Car l’Islande bascule dans le gouffre : c’est la 3ème plus grosse faillite financière de l’histoire !

Le gouvernement décide alors de laisser les banques à leur sort : “Nous avons décidé de ne pas socialiser les pertes de ces banques. C’était des banques privées et personne n’a jamais promis que le gouvernement couvrirait leurs pertes.” (p. 33, Geir Haarde, 1er ministre). Cela restera dans l’histoire comme un acte de bravoure, mais en fait, le pays aurait été bien incapable de sauver ses banques démesurées !

Entre parenthèses, ce haut fait d’arme est souvent pris en exemple par les détracteurs du sauvetage de nos banques. Mais la situation n’est pas la même : en Islande celles-ci étaient détachées de l’économie réelle du pays, tandis que chez nous elles y sont intégrées…

Taper des casseroles

Revenons à notre feuilleton, et quel feuilleton !

Dans un pays de 319.000 habitants, tout le monde a un lien avec tout le monde, et cela donne une dynamique unique. Alors quand tout va mal, on se retrouve à taper des casseroles devant le Parlement, mettant les politiques en ébullition !

Parmi toutes les actions prises, la légende retiendra que les Islandais ont fait refaire la  Constitution par les citoyens, qu’ils ont mis les banquiers en prison, et qu’ils n’ont pas remboursé l’argent des investisseurs étrangers. Modérons ces trois points :

  1. La constitution était vieille et mal-aimée : elle avait bien besoin d’un lifting, crise financière ou pas. Quant à mettre cette mission dans les mains de 25 citoyens, il s’agissait avant tout d’une manœuvre politique, un compromis dans une bataille de partis. Et tout ça n’accouchera que d’un projet de constitution, à adopter par le parlement, qui est toujours là…
  2. Oui, une traque aux “banksters” fut lancée… Mais au bout du compte seuls un homme politique et deux financiers furent poursuivis. Les autres ont repris leurs affaires, et le pire qui leur arrivent est de se faire arroser : certains bars ont mis leurs photos dans les urinoirs !
  3. Les Britanniques et les Néerlandais, principaux créditeurs, sont déjà remboursés au deux tiers par la liquidation d’une des trois banques en faillite : tout ne va pas si mal pour eux.
(c) Olivier Morin (AFP Photos)
© Olivier Morin (AFP Photos)

L’admiration de Paul et Joe

Il n’empêche, la gestion de la crise islandaise fut exemplaire, et même le FMI, réputé pour ses sévères plans d’austérité, est intervenu avec modération, ce qui suscita l’admiration de Joe Stiglitz, prix Nobel d’économie.

Quant à Paul Krugman, autre même prix, il écrivit dans le New York Times : « Une chose amusante est arrivée sur le chemin à l’Armageddon économique : le désespoir complet de l’Islande a rendu l’approche orthodoxe impossible, rendant au pays la liberté de briser les règles ».

La leçon du bébé pays

Le livre de Pascal Riché se lit d’une traite, et se termine en ayant le sentiment d’avoir vécu les événements comme si on y était. Mais l’aventure n’est pas terminée et se poursuit dans l’actualité…

En tout cas, ce “bébé pays” (il s’est libéré de la couronne Danoise il y a une cinquantaine d’années) nous donne une belle leçon : “Les Islandais nous ont aussi appris qu’il ne faut pas craindre de prendre des risques pour sortir de l’ornière. Ils ont en tout cas démontré qu’ils avaient, outre un petit grain de folie, un courage énorme.” (p.138)

“Comment l’Islande a vaincu la crise” par Pascal Riché, 140 pages, Rue89

L’État islandais ne paiera pas les dettes contractées à l’étranger par les aventuriers ou les banques qui ont manqué de prudence (David Oddsson, gouverneur de la Banque Centrale)

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