J’écrivais, la dernière fois, que les trois quarts de l’humanité étaient à la traîne, ne profitant pas d’un confort comme le nôtre. A ma question “Ont-ils une chance de s’en sortir ?”, Oswaldo De Rivero répondait que ce n’est pas la mondialisation qui les aidera !
Écoutons maintenant André Fourçans, qui nous explique quasiment le contraire…
La fille du professeur
André Fourçans est professeur d’économie, et s’adresse à sa fille avec ce livre : “La mondialisation racontée à ma fille”.
Didactique, facile à lire, cet ouvrage a comme but premier de remettre les pendules à l’heure : on a beau parler des choses qui vont mal, globalement, l’humanité va vers un mieux, grâce à la mondialisation. L’auteur tente de nous rassurer en 21 thèmes, comme la pauvreté, l’environnement, l’emploi, le vieillissement, la culture, les multinationales…
Survolons-en quelques-uns, en prenant garde de ne pas déborder sur l’économie, objet d’un “L’Économie raconté à ma fille”, que je ne manquerai pas de lire aussi…
Des pays spécialisés
La mondialisation, c’est appliquer à la planète la gestion optimisée des ressources et compétences. C’est ainsi, et il faudra s’y faire. Il faut penser “global” : laisser à chaque pays la production dans laquelle il est le meilleur. Même si un pays est capable de faire un produit ou un service, il doit le laisser à un autre qui en serait encore plus capable ! Voilà pourquoi il faut arrêter le protectionnisme et laisser libre cours au libre-échange : nos pays en profitent aussi.
Fourçans reconnait que tout n’est pas parfait, mais dans la balance, il y a plus de bon que de mal : l’amélioration de notre niveau de vie en est le résultat.
Mais je m’interroge : “notre”, ça englobe tout le monde ?
1970 est derrière nous
Oui, tout le monde, et Fourçans nous rassure là où De Rivero nous alarme : la pauvreté a globalement diminué, et “les inégalités entre pays auraient atteint leur maximum dans les années 1970.” (p. 117). Depuis lors, c’est le rattrapage, grâce à la croissance économique, obtenue en s’ouvrant à l’international. “Ce n’est pas pure coïncidence si les pays de l’Est asiatique ont fait preuve d’un dynamisme sans comparaison aucune avec la lenteur des contrées protégées d’Amérique latine, de l’Asie du Sud ou de l’Afrique subsaharienne.” (p. 122)
Allez, je laisse dire et passons à la suite…
L’argent vadrouille et fait le bien
Et la finance, et les oligarchies chères à Jean Ziegler, dans tout ça ?
Eh bien notre professeur en économie est plutôt conciliant (Non ? Si !) : “L’argent international en vadrouille aux quatre coins de la planète a une fonction éminemment importante : aider à financer le développement…” (p. 132). Mais il reconnaît que ça fait mal quand ces investissements claquent brutalement la porte !
Et la “World Company” risque-t-elle de dominer le monde ? Non, gigantisme ne signifie pas domination. “Leur marché est le monde et leur secteur très concurrentiel.” (p. 41)
Biensûr il y toujours des vilains petits canards aux pratiques peu scrupuleuses, mais c’est comme dans tous les domaines, et il ne faudrait pas en faire une généralité.
Ouf, on respire, et profitons-en car…
Visitez le 7ème continent
… Car nous respirons bien mieux aujourd’hui, dans nos villes, qu’il y a un siècle, alors que nous produisons plus et que nous sommes bien plus nombreux. Et malgré la poursuite de cette croissance, le monde survivra “grâce aux adaptations et aux mesures à la fois technologiques, sociétales, et réglementaires.” (p. 141).
Mais que veut dire Fourçans par “nos villes” ? Le tiers-monde regorge de villes polluées et insalubres, non ?
Et cette “croissance” ne produit-elle pas une immensité de déchets, qui d’ailleurs se mondialise très bien ? J’invite l’auteur à visiter le 7e continent de plastique, œuvre la plus remarquable de notre société mondialisée. J’espère que le “progrès” sera capable de nettoyer nos océans…
Faut-il avoir peur de la mondialisation ?
Avec ce livre, André Fourçans nous rappelle le contexte des choses, nous fait prendre de la hauteur, pour contrecarrer nos “ressentis”, si bien forgés par notre monde de communications qui met en exergue ce qui ne va pas. Même s’il modère ses propos, il ne voit que des signes annonçant une amélioration, dans tous les domaines ! Encore faut-il partager son sens de l’amélioration : pas sûr que tout le monde s’exclamera “Liberté, liberté, chérie” (p. 163) face à la demande de plus de flexibilité dans les emplois !
Cette lecture m’a conforté dans cette idée : la mondialisation fait peur au commun des mortels, qui n’est pas capable d’appréhender une mécanique économique fonctionnant maintenant au niveau mondial. Et de là à dire que c’est un bac à sables géant dans lequel seuls les économistes s’amusent, il n’y a qu’un pas !
Soit. Mon petit cerveau sans envergure s’inquiète (principalement) sur deux points :
- Toute cette mécanique repose trop sur l’énergie (à bas prix) à mon goût. Or, sommes-nous vraiment à l’abri d’une crise énergétique, du pétrole en particulier ? Voilà un thème que Fourçans n’aborde pas vraiment, si ce n’est avec cette phrase, que je prends comme l’arbre cachant la forêt : “La consommation d’or noir des pays riches a diminué de 50 % si on la mesure par rapport à la production de chaque unité de richesses.” (p. 145).
- La mondialisation accroit les richesses de manière démesurée, et accouche d’une finance capable de mettre des pays en faillite : ça fait vraiment partie du jeu ?
Tout ça me donne l’impression que la mondialisation devrait fonctionner de pair avec une gouvernance mondiale : Fourçant aborde le sujet mais ne semble pas très inquiet. Et pourtant, cette préoccupation revient de plus en plus dans l’actualité ! Mais ça, ce sera pour un autre article…
“La mondialisation racontée à ma fille”, André Fourçans, 216 pages, Seuil