Voyage au fil de l’or bleu
Erik Orsenna est un écrivain, membre de l’Académie française, qui publie depuis quelques années des “petits précis de mondialisation” : il parcourt la planète pour faire un état des lieux et philosopher sur le coton (“Voyage au pays du coton”), le papier (“Sur la route du papier”) et l’eau : “L’avenir de l’eau”, le seul que j’ai lu…
Ce livre se lit comme un récit de voyage, passionnant : dans les livres chroniqués sur ce blog, c’est le seul que je classe dans la catégorie “détente”, ce qui signifie que je le lis avant de m’endormir (les autres ouvrages n’ayant pas cette qualité calmante qui me permet de finir ma journée en toute sérénité – sans blague !).
L’eau dans tous ses états, dans tous les Etats
L’auteur commence par un chapitre sur la nature de l’eau : entre philosophie et physique, il décrit le personnage principal de son livre avec finesse et esprit. J’irais jusqu’à dire qu’il… nous met l’eau à la bouche.
Ensuite viennent autant de chapitres que de contrées visitées, introduites par la carte géographique des lieux : l’Australie et sa sécheresse, Singapour cherchant une eau pure pour son industrie, Calcutta et ses eaux insalubres, le Bangladesh inondé, la Chine polluée et ses barrages, Israël dessalant la mer…
Le dernier tiers du livre est consacré à des explications scientifiques, quelques questions africaines, des solutions techniques, un débat sur les concessions publiques et privées, des défis pour le futur, etc. Bref, à toutes sortes du sujets afin que le lecteur puisse refermer ce livre en ayant le sentiment de tout savoir sur l’eau… Est-ce le cas ?
Réticence
J’avais terminé ce livre il y a quelques mois, et en gardais un souvenir enthousiaste : aujourd’hui que je l’ouvre pour le chroniquer, je porte un regard plus sévère. Car dans ce sujet grand comme une forêt, on ne suit que le chemin parcouru par notre homme, qui a surtout rencontré des hauts-placés et des scientifiques enthousiastes, qui lui ont parlé de grands défis et prouesses techniques, dans lesquelles l’industrie française n’est pas étrangère !
Avec le titre que se donne ce livre, je m’attendais surtout aux enjeux économiques de l’eau, en particulier à sa privatisation. Ce sujet y figure bien, mais je trouve Orsenna assez conciliant sur ce point. Certes, son point de vue en vaut un autre, mais quand on connait sa carrière, je ne peux me reposer sur ce livre pour me faire une opinion.
Il y a aussi ses explications scientifiques : un académicien, politicien, économiste, peut-il nous parler de la fonte des glaces, de la photosynthèse, de la génétique, et j’en passe ? Oui, se défend-il en réponse à Thierry Ruf (de l’Institut de recherche pour le développement, celui-ci a adressé une critique très fournie et argumentée à l’auteur), car il s’est entouré de scientifiques. Dont la liste est dans les remerciements. Et il y a beaucoup de noms, parmi lesquels celui de Claude Allègre, scientifique très polémiqué (j’en parlerai bientôt). En fait, voir son nom ne me pose pas vraiment de problème, et ne m’étonne pas : mais il me confirme bien que ce livre n’apporte qu’une certaine vision.
Ne boudons pas notre plaisir
Alors, finalement, faut-il lire ce livre ? Eh bien je serais malhonnête de dire non, car c’est un récit de voyage, agréable, rempli d’anecdotes, et très instructif (je me répète : mais quasiment tous les lecteurs saluent ces qualités). Mais ce qu’il couvre n’est qu’une coupe transversale de la problématique, et je n’ai donc qu’un reproche à lui faire : celui d’avoir choisi un titre aussi péremptoire et prétentieux que “L’avenir de l’eau” !
“L’avenir de l’eau”, par Erik Orsenna, 413 pages, éditions Fayard.
1 réflexion sur « L’avenir de l’eau (ah bon ?) »