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Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête

15 géographes nous rassurent sur notre avenir : ça va aller ! Mais le monde qu’ils proposent ne me plaît pas !

La raison des géographes

“Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête” : je devais absolument le lire ! A force d’être plongé dans des ouvrages alarmistes, je devais sortir la tête de l’eau, et avaler cet ouvrage comme un bon bol d’air frais.

Et j’étais vraiment curieux : comment 15 scientifiques français, pour la plupart professeurs en géographie, allaient me convaincre que, certes, le fonctionnement du monde est perfectible, mais qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer ? Pour reprendre la quatrième de couverture : “Les géographes ont décidé de prendre la parole et de mettre les choses au clair. Leur connaissance de l’histoire mouvementée de la Terre leur permet de mieux comprendre et de mieux évaluer les changements auxquels nous allons devoir faire face.”

Ils prennent ainsi le contrepied de la presse en générale, du GIEC, des ONG, et j’en passe.

Voilà un document qui a le mérite d’exister : si comme moi vous êtes curieux des différents “sons de cloche” que l’on peut entendre sur l’état de notre monde, lisez ce livre. Mais cela ne veut pas dire y adhérer…

Le ciel ne vous tombera pas sur la tête
Un peu de lecture pour se remonter le moral !

Du réchauffement à la fine cuisine

L’ouvrage se découpe en autant de paragraphes qu’il y a d’auteurs, chacun spécialiste d’un domaine : le réchauffement, la montée des eaux, la biodiversité, l’eau, les forêts, la démographie, les énergies, … et deux sujets plutôt étonnants : la fine cuisine dans la grande distribution et le nouveau rôle des armées !

Vu le nombre de sujets traités, la plupart des chapitres vont à l’essentiel : d’abord démystifier les faits, puis rassurer et positiver. Hélas, si la première partie avance de bons arguments, la deuxième est parfois bien maigre ou les solutions avancées ne me plaisent pas beaucoup ! Voici quelques exemples…

La biodiversité se porte mieux avec l’homme

Georges Rossi, qui a consacré sa carrières aux questions de relations entre sociétés et environnements, nous dit que l’homme a toujours modifié son environnement, et que “L’état zéro de la biodiversité n’existe pas” (page 154). Vouloir préserver une biodiversité en l’état n’a donc pas de sens. D’ailleurs, une bonne partie des plantes que nous connaissons à l’heure actuelle est le fruit des manipulations humaines. Vouloir protéger la nature ne dessert pas l’homme, et de plus la biodiversité se porte mieux en sa présence qu’en son absence.

Notre professeur se focalisant sur le végétal, il en oublie toutes ces races d’animaux disparues de notre planète, non pas par l’évolution, mais par la destruction de leur habitat ou la chasse cupide. Faut-il laisser disparaître gorilles, tigres du Bengale, pandas et ours blancs parce qu’ils n’apportent rien à l’homme ? Est-ce que le Costa-Rica, protégeant 25 % de son territoire, est un mauvais exemple de protection de la biodiversité ?

Les forêts partent deux fois moins vite

Continuons dans le même thème, brièvement : Paul Arnould est spécialiste des forêts et de l’environnement et nous explique, après avoir philosophé sur la définition et le rôle d’une forêt, que “Bon nombre d’espaces défrichés retournent ensuite à la forêt” (page 174). Il n’y a donc pas, comme les médias aiment l’annoncer, un terrain de forêt disparaissant à chaque seconde, mais bien… toutes les deux secondes et demie.

Me voilà rassuré et poursuivons…

Nous n’allons pas à la famine

Alors que Gérard-François Dumont explique qu’il n’y a pas une “explosion” démographique, mais un vieillissement qui devrait nous conduire à un bon 9 milliard en 2050, et un équilibre du peuplement dû au développement des pays les plus pauvres, venons-en à Sylvie Brunel, directrice du présent ouvrage, auteure de nombreux livres sur la faim, apparaissant parfois à la télévision pour expliquer que nous pouvons nourrir tout le monde…

Et là, le discours ne souffre pas d’ambiguïté : extension des terres cultivées (un milliard d’hectares en Afrique !), augmentation des rendements, invention de nouvelles plantes, passages à des techniques plus intensives.

Après ce discours aux accents industriels, elle enchaîne avec un chapitre sur “La nécessité d’une agriculture écologiquement intensive” (page 226). Elle y fait mention, entre autres, du progrès de l’irrigation, derrière lequel on devine la privatisation de l’eau… une spécialité française, rappelons-le.

J’avoue qu’ayant vu récemment “Vers un crash alimentaire” , qui tenait un discours complètement différent, je suis dubitatif…


Sylvie Brunel parle d’un autre livre, mais ses propos résument parfaitement celui-ci

Le monde vu par les géographes : j’aime pas !

Dans la plupart des articles, tout comme dans la vidéo ci-dessus, les géographes se basent sur l’histoire de l’homme pour nous rassurer : depuis le début, il a modifié son environnement et s’est adapté, et il en est ainsi pour notre avenir.

Mais trouvez-vous que notre démographie et notre avancée technique ont suivi un accroissement linéaire ? Moi je vois plutôt une courbe exponentielle : en deux siècles la population s’est multipliée par 7, la technologie a fait un immense bon, et la demande en énergie a suivi. Mais la terre est restée à la même taille, c’est sûr. Alors des flashbacks sur Malthus (XVIIIème) qui s’inquiétait de la démographie, les conquistadors qui croyaient découvrir des forêts vierges, le Club Alpin français qui s’inquiète des montagnes en 1890, tout ça me paraît faible pour faire une projection de notre avenir !

Et est-ce que notre histoire a déjà connu la mondialisation, le libéralisme et la perte de souveraineté des pays comme nous le vivons maintenant ? Mais à lire entre les lignes, c’est bien cette situation-là qui permettrait de résoudre les maux de notre terre.

Nos géographes font confiance à l’homme, et le mettent au centre du monde : “A quoi sert de protéger la Nature si elle n’est pas mise au service du plus grand nombre ?” nous préfacent Sylvie Brunel et Jean-Robert Pitte.

Je n’aime pas ce point de vue : je me projette au delà de 2050 (ce que ne font pas nos amis les géographes) et je vois une terre caparaçonné comme Trantor, planète ville imaginée par Asimov dans son cycle de Fondation.

C’est moins joli qu’une planète bleue, mais il va falloir s’y faire…

Trantor par http://gouie.deviantart.com
Notre belle planète grise

“Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête”, Sylvie Bruenl et Jean-Robert Pitte, 352 pages, JC Lattès

Voici deux citations opposées. Les géographes choisissent la 2ème, c'est sûr. Et vous ?

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Livre "Le Cygne Noir" de Taleb

Le Cygne Noir : nous vivons en Extrêmistan

Livre "Le Cygne Noir" de Taleb
Un livre plein d’enseignements

Un Cygne Noir est un événement inattendu et surprenant qui détruit vos convictions, met à terre vos plans, change vos théories…

Et Nassim Nicholas Taleb en développe le sujet sur presque 500 pages écrites en tout petit : un ouvrage dense entre science et philosophie, qui a séduit plus de 2 millions et demi de lecteurs dans le monde.

C’est que ce genre de lecture peut changer votre façon de voir les choses. Et en ce qui me concerne il y a un “avant” et un “après cygne noir” – même si ça n’a pas changé radicalement ma vie… Car mr Taleb, qui enseigne les sciences de l’incertitude, analyse en profondeur notre manière de penser, notre volonté de vouloir prédire l’avenir (le propre de l’homme), nos sciences se fondant sur l’expérience, notre perception fondée sur notre vécu, et le fait que nous continuons à diriger nos vies en minimisant l’importance des événements inattendus.

L’idée centrale de ce livre concerne notre cécité face au hasard, et spécialement aux événements qui se démarquent particulièrement de nos attentes” (p.11).

L’auteur en a surtout après les sciences qui développent des théories sur base des cas normaux, minimisant les incertitudes, pour faire entrer les probabilités dans une belle courbe en cloche (courbe de Gauss) : ils les appellent les GEI (Grande Escroquerie Intellectuelle, p.19). En première ligne, les économistes !

Or il y a deux groupes d’événements dictant les modèles mathématiques, pour lesquels l’auteur imagine deux pays : le Médiocristan et l’Extrêmistan.

En Médiocristan c’est le règne de la normalité, de la courbe de Gauss : les événements extrêmes n’ont pas de conséquences sur la masse. Prenons 100 personnes et calculons-en la taille moyenne : le chiffre que nous obtenons déviera peu si nous réitérons l’expérience sur d’autres groupes de 100 personnes, même si parfois nous aurons quelques nains ou géants dans notre échantillon… Nous ne risquons pas d’avoir des moyennes de 3 mètres ou 3 centimètres, et nous pourrons en tirer des conclusions valables.

En Extrêmistan, la courbe de Gauss ne marche plus, car une seule donnée, extrême, peut réduire les autres à l’état d’insignifiance, et faire tomber les théories que nous élaborions avant de rencontrer cette anomalie. Poursuivons donc notre expérience avec nos échantillons de gens pris au hasard et établissons le salaire moyen : déjà là, les écarts vont bien varier d’un groupe à l’autre. Mais ok, à force de répéter l’expérience nous trouverons une moyenne… Jusqu’à ce que nous arrivions à un groupe où, pas de chance, se trouve Bill Gates ! Et voilà la moyenne des salaires qui monte en flèche, dans des proportions tellement énormes que les autres ne servent qu’à nous donner des erreurs d’arrondi ! Nous sommes tombés sur un cygne noir : jusqu’à ce qu’il arrive, nous étions persuadés qu’un salaire moyen était X, et que Y en était à peu près le maximum.

Voilà, bienvenue en Extrêmistan, un pays plus vaste que vous ne croyez : celui où un attentat peut mettre en crise la planète, où une simple idée peut vous rendre milliardaire, où la dinde est persuadée d’être nourrie par un bienfaiteur, où un tremblement de terre met en péril l’avenir du nucléaire. Et surtout où les phénomènes sociaux sont imprévisibles : un marchand s’immole par le feu et c’est l’Afrique du nord qui s’enflamme ! Autant d’événements qu’aucun économiste ne peut prédire, et pourtant ce sont ces événements qui font notre histoire. Autant dire que les spécialistes de tout poil, en particulier ceux qui donnent des conseils pour l’avenir, sont sévèrement jugés par Nassim Taleb.

Le hasard est ce que je ne peux pas deviner parce que ma connaissance des causes est incomplète, pas nécessairement parce que les propriétés du processus sont vraiment imprédictibles.” (p.391). Ici, le hasard n’est pas d’un dé qui roule pour ne sortir que des chiffres entre 1 et 6 !

Dans cet article je n’expose qu’une des nombreuses idées de mr Taleb, qui nous dit de ne pas écouter les spécialistes tirant des plans sur notre futur. A titre personnel j’en tire une leçon : mon blog portant justement sur les domaines les moins prédictibles de nos connaissances, le Cygne Noir me guette. Si je peux me faire une opinion, je ne dois pas m’enfermer dans des convictions, et garder la porte ouverte à un facteur chance, accepter que mes connaissances ne me permettent pas d’imaginer l’improbable…

Si votre esprit est encore embrumé par tout ce que je viens de raconter, je ne manquerai pas de faire référence aux préceptes de Mr Taleb dans mes futurs articles. Et qui sait, peut-être que l’un d’eux expliquera l’histoire de la dinde…

“Le cygne noir”, éditions Les Belles Lettres, 479 pages.

Invasion of the saucer-men edited
Quand nous serons 10 milliards, les extra-terrestres viendront nous “récolter”. Et aucun économiste ne l’aura prévu !

Pour Nassim Thaleb, un économiste est plus proche d'un charlatan que d'un scientifique

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