Que ma banque éthique, Triodos, ait recours aux paradis fiscaux, voilà une nouvelle désolante. Et pourtant, cela semble bien nécessaire…
Toutes les mêmes
Comme la plupart d’entre vous le savent, ma banque c’est Triodos, et je ne manque pas d’en faire sa publicité.
Aussi, quand l’autre jour le nouveau journal “Marianne Belgique” épingla Triodos dans la liste des banques ayant recours à l’offshore au Luxembourg, au Panama ou à l’Île Maurice, j’en fut chagriné. D’autant plus que la nouvelle me parvenait par un mail envoyé par mon épouse, qu’elle avait intitulé “Toutes les mêmes” !
La réponse de Triodos fut prompt à venir, je l’avais lue mais restais dans l’expectative. Une explication plus claire et rassurante viendra de la bouche-même des patrons de la banque, une semaine plus tard…
Questions pour des patrons
Chaque année, Triodos organise une journée en l’honneur des détenteurs de certificats, soit les personnes comme moi qui capitalisent la banque – j’y reviendrai un autre jour. Cet événement eu lieu le dernier samedi d’avril, à point nommé !
Dans un auditoire rempli de quelques centaines de personnes, Olivier Marquet (patron pour la Belgique) et Peter Blom (patron pour les Pays Bas) présentèrent les résultats et objectifs de la banque (que je résumerais par +20 % dans la plupart des domaines !), et surtout purent répondre aux nombreuses questions concernant cet OffshoreLeaks dans lequel on n’aurait pas dû voir Triodos…
Le Luxembourg à notre service
“Amalgame” fut le maître mot de toute cette affaire, et la recherche du sensationnel a pris le pas sur une enquête en profondeur… Jusqu’à cette assemblée, je me demandais pourquoi Triodos ne se passait pas de ces systèmes offshore, et prenait un tel risque médiatique ? La réponse est simple : ces “paradis fiscaux” sont nécessaires pour investir dans des pays avec lesquels nous n’avons pas d’infrastructure financière.
Par exemple, à moins de donner de l’argent comme le font les ONG, il n’est pas possible d’investir en Inde : il faut passer par une place financière intermédiaire, qui non seulement dispose d’un réseau d’échange, mais en plus a une renommée – Triodos et de nombreuses autres banques n’ont aucune représentation mondiale.
Et un pays comme le Luxembourg offre de telles facilités – de tels services, devrais-je dire !
Nuances de gris
Ce n’est pas la première fois que j’apprends cette information : les paradis fiscaux ont une utilité. Et ça me fait mal de l’écrire ! Mais j’avais “un œuf à peler” avec de nombreux auteurs que j’ai lus, et qui prônent la disparition des paradis fiscaux : ils omettent bien de nous informer de cette donnée, par ignorance ou plus probablement parce que, quand on veut condamner quelque chose, il ne faut montrer que son “côté obscur”…
Le soir du même jour que l’assemblée de Triodos, je rencontrais justement Paul Jorion, lors de son “Spaghetti Vicomte”. Celui-ci préconisant de “Mettre hors d’état de nuire les paradis fiscaux” (« Misère de la pensée économique », p. 198), je lui expliquais ce que j’avais appris sur l’utilité des places offshore. Jorion ne m’a pas contredit…
… Mais il a émis des réserves sur la justification de Triodos à les utiliser !
Décidément, il est bien difficile de se faire une opinion. Je reste persuadé que les paradis fiscaux font plus de mal que de bien, mais je préfèrerais que l’on tire une autre leçon de mon article : tout n’est pas noir ou blanc, on est souvent dans les nuances de gris. Alors soyons plus réservés dans nos jugements, car la marge entre “informé” et “influencé” est faible…