Les Organismes génétiquement modifiés, tout le monde s’en méfie. Est-ce justifié ? Voici un livre qui nous en apprend plus sur cette technique du génie génétique, et ouvre le débat entre le pour et le contre.
Un électricien face à un dirigeant du WWF
Le livre commence bizarrement : on y parle de l’évolution, de la Création, de Dieu, de l’Univers, de Gaya, de physique quantique… Mais fallait-il s’attendre à une autre entrée en matière de la part d’un éditeur appelé “Jouvence”, avec, dans son catalogue, des livres sur le développement personnel, les médecines douces, la spiritualité, l’alimentation, etc ?
Pourquoi pas après tout ? Car avant de plonger dans la polémique sur les OGM, ses auteurs s’interrogent sur le rôle de l’homme vis-à-vis de la nature. Jusqu’où peut-il aller ? Avec les OGM, ne prend-il pas la place du “Créateur” ?
Du reste, ils ont des avis divergents sur la question des OGM, ce qui nous donnent un débat instructif, dans une matière fort sujette à polémique.
Deux auteurs, deux avis
Pour défendre les OGM, nous avons Jacques Neirynck, professeur en électricité, journaliste. Je me demande ce qu’il vient faire dans ce sujet. Mais il est aussi membre du Conseil national de la Confédération suisse, où on devine que la question des OGM est débattue. Ses compétences apportent donc un point de vue scientifique et pragmatique sur la question.
À l’opposé, Philippe Roch, ancien dirigeant de WWF Suisse, secrétaire d’état à l’environnement. Il défend cette prudence, voire méfiance, vis-à-vis des OGM, comme pour la plupart d’entre nous.
Il y a en fait un troisième auteur qui, comme chez l’éditeur Le Mascelier, introduit le thème de chaque chapitre. Hélas on ne sait pas de qui il s’agit, et on espère qu’il a l’expertise pour rédiger des textes neutres et intègres.
Apprenti sorcier ?
Le premier chapitre nous explique, grâce à de nombreuses illustrations, comment fonctionne le vivant : la cellule, les cinq bases nucléiques définissant l’alphabet de l’ADN, les chromosomes, les gènes, les virus. À défaut de tout assimiler, on comprendra que cette science est complexe, et que tout n’est pas encore maîtrisé.
En page 46, on trouve cette définition très courte d’un organisme génétiquement modifié : “un organisme dont l’ADN a été modifié par l’homme” . On l’apprécie mieux en connaissant une règle générale de la nature : “En principe, les espèces et les cellules se protègent contre l’ADN étranger” .
Dès lors, avec les OGM, l’Homme ne joue-t-il pas à l’apprenti sorcier ?
Les partisans tel que Neirynck argumentent que “Sans les hommes, le blé, la vigne, le maïs, le chien, la vache n’existeraient pas, ou bien ils ne surgiraient qu’après beaucoup plus de temps et ne survivraient pas à la lutte pour la survie.” (p. 58) Cela fait dix mille ans que les paysans croisent plantes et animaux. Avec la génétique, on passe à la vitesse supérieure, tout simplement.
Sauf que cette nouvelle science “force la nature à accepter du matériel génétique provenant parfois d’espèces pour lesquelles elle-même n’offrirait aucune chance de contact.” répond Roch (p. 56) La nature se donne le temps d’évoluer, les ratages sont éliminés par la sélection naturelle. Et d’autres mécanismes d’évolution existent, que l’on découvre à peine. On n’a aucun recul pour connaître les conséquences de nos manipulations sur l’ADN.
Mais il ne faut pas rejeter tous les OGM pour autant. Il est important de faire une distinction entre les OGM utilisés en laboratoire (pour l’insuline pour les diabétiques, pour l’hormone de croissance, pour des vaccins…) et ceux utilisés dans l’agriculture : “Le problème, c’est la reproduction, la dissémination de caractères dangereux que l’on ne pourra peut-être plus contrôler […]” (p. 57)
Manger ou se nourrir
Pour Neyrinck, le refus de vouloir manger des aliments OGM est injustifié. Si c’est leur artificialité qui rebute, pourquoi ne rejette-t-on pas les médicaments ? Cette méfiance, qui existe en Europe et pas aux États-Unis, est d’ordre culturel : ici, on mange, et là-bas, on se nourrit !
Roch pense le contraire : “je suis content que la population, intuitivement, fasse davantage confiance aux médecins dont le but est de soigner le patient, qu’à Syngenta et Monsanto dont le seul but est de s’enrichir !” (p. 69)
Les américains n’ont donc pas peur des OGM, et y consacrent plus de terres que tous les autres pays cumulés. Alors en Europe, passe-t-on, encore une fois, à côté d’une opportunité ?
L’objectif de l’OGM en agriculture est, entre autres, une meilleure résistance aux parasites : soit que la plante résiste à l’herbicide éliminant les corps invasifs avoisinants, soit qu’elle sécrète son propre “venin”. Mais dans le premier cas, on n’utilise pas moins d’herbicides. Et dans les deux cas, on entame un combat sans fin avec des parasites qui développeront leur résistance.
Un autre objectif est d’enrichir la plante en vitamines, d’augmenter son pouvoir de nutrition, d’améliorer son goût. Mais ce but ne correspond pas à la réalité économique, qui vise plutôt la rentabilité, ce qui tend à réduire la diversité. Et si on en vient à enrichir du riz en vitamines A pour certaines populations, n’est-ce pas parce que les plantes qui le leurs procuraient ont été éliminées par l’agriculture industrielle ?
Quant à la question des meilleurs rendements des cultures OGM par rapport aux conventionnelles, ce n’est pas encore une certitude.
Le Terminator est là
Le fait que le développement des OGM soit dans les mains de l’industrie et non des États suscite la suspicion et empêche un débat serein sur le sujet. Les deux auteurs sont d’accord là-dessus.
Mais Neirynck est contre le principe de précaution et estime qu’il faut “courir des risques contrôlés” , ainsi que “limiter le pouvoir populaire et ne pas lui permettre d’intervenir.” (p. 101)
Malgré tout, il y a une invention qui forge mon opinion : le gène Terminator. Cet OGM donne des graines de seconde génération stériles, obligeant les agriculteurs à acheter des semences chaque année. Que l’industrie en vienne ainsi à détourner les mécanismes fondamentaux de la nature aux seules fins économiques en dit long sur l’avenir qu’elle nous réserve !
Et voilà pourquoi je ne vois aucun signe d’un monde meilleur avec les OGM. Et vous ?
“OGM, pour ou contre ?”, Jacques Neirynck et Philippe Roch, 135 pages, Jouvence Editions