Je suis de plus en plus attentif à l’origine des matériaux utilisés dans mes achats, ainsi que de leur impact écologique. Mais il suffit de trouver l’Objet tant convoité pour que toutes ces bonnes attentions passent à la trappe.
Chronique d’un grand déchirement éthique…
Vos papiers svp
S’il y a bien un clou sur lequel tape les médias, concernant notre consommation responsable, c’est celui du bois. Pour la construction, le bricolage, les meubles : exigez du bois provenant de forêts exploitées de manière responsable. Le label FSC (Forest Stewardship Council) est le plus connu.
Pour le papier, c’est bon aussi. Je lis en dernière page de “Sur la route du papier”, édition Stock : “[…] fabriquées à partir de bois issus de forêts qui adoptent un système d’aménagement durable.”
Même mon livre photos des vacances : Certifié FSC.
Avec tout ça, c’est certain : quand j’entre dans un magasin de meubles, l’article qui tentera de conquérir ma convoitise devra montrer ses papiers ! Non mais, vous savez à qui vous avez à faire ? A un consommateur RES-PON-SABLE !
Enfin, euh, la dernière fois, ce ne fut pas vraiment ça…
Equi-Table ?
Or, voilà que c’est presque par hasard que mon épouse et moi trouvons LA table de salon qui répond enfin à nos exigences de vieux consommateurs aguerris et blasés. Elle est épurée, aussi carré que notre intérieur, elle est desiiign !
Après plusieurs années de recherche, voici donc l’élue : on ne l’attendait plus, on espérait juste la trouver un jour par hasard, et ce jour est arrivé !
Alors la décision est prise en quelques minutes : on passe commande…
… Pendant que le bon de commande est rédigé, un signal rouge… euh non, vert, s’allume dans un coin de mon cerveau : ma conscience vient déranger ce moment d’euphorie. “Dis, Paul, as-tu demandé à la vendeuse l’origine des matériaux de cette table” ?
Moment d’angoisse et de tiraillement : vais-je prendre le risque de poser la question qui fâche, au risque de tout laisser en plan, pour ressortir du magasin en exprimant mes sentiments de honte ?
Je n’ose pas. Je me tais. Je fais bonne figure. Et puis je crois la vendeuse capable des pires boniments : ne s’intéresse-t-elle pas tout d’un coup à notre chien, maintenant que nous sortons la carte Visa, alors que l’instant d’avant elle le regardait comme un affreux animal salissant son beau tapis ?
Mais c’est plus fort que moi, je veux ma réponse sans casser l’ambiance : je prends le catalogue sur le bureau de la vendeuse et le feuillète, l’air de m’intéresser aux autres produits de la marque. En réalité je cherche le moindre indice pouvant apaiser ma mauvaise conscience : un petit logo FSC, une petite phrase “Pour chaque arbre utilisé nous…”, ou “Notre usine a été certifié…”. Je prends tout, je ne suis pas difficile ! Mais non, rien. Je me résine… pardon, résigne…
C’est tout ? Ben non…
Une table trop loin
J’ai oublié de le mentionner : le magasin se trouve à Lille. Oh, on a déjà vu shopping plus lointains et plus exotiques. Mais n’empêche, faire rouler un camion pour livrer notre seule table de salon me donnait un pincement au cœur !
Après un coup de fil à la société de livraison, nous nous mettons donc d’accord pour faire un “geste pour la planète” : notre meuble est bien dans le stock, mais sa livraison attendra celles d’autres clients de notre capitale…
Après presque deux mois d’attente supplémentaire et de rendez-vous manqués, cette bonne intention n’aboutit pas. Et c’est la mort dans l’âme que je vois arriver un camion pour livrer notre seule petite table…
Happy end
Mais avec la table il y a un petit livre blanc marqué “Garantie”, que mon épouse s’empresse de me mettre entre les mains : oui, elle avait bien perçu mes tourments et voilà qu’elle a les moyens d’y mettre fin !
Premier paragraphe : “Développement durable”, wouaw ! On y parle de fabrication minimisant les solvants, recyclage des déchets, label PEFC, et j’en passe : un vrai feu d’artifice de bonnes intentions, poursuivi sur le site de la marque, où toute une section est consacrée à leur politique environnementale.
Ah, mais il a une belle âme, ce meuble !
Et voilà, ce sera tout pour cette aventure. Je parlerai de “greenwashing” un autre jour : ne gâchons pas notre plaisir…