Ah j’en avais presque la larme à l’œil quand l’autre soir chez un ami (je le laisse dans l’anonymat : à lui de vaincre sa modestie pour apparaître au grand jour), alors que j’utilisais ses installations sanitaires, j’entendis “Ne tires pas la chasse, je te suis” ! Précisons d’emblée qu’au travers de la vitre sablée il me voyait debout : la suite de cet article doit être apprécié à sa juste valeur…
Donc, nous en étions à ce moment où je me rendais compte que ma préoccupation concernant le gaspillage d’eau dans nos latrines était partagée par d’autres personnes qui, à priori, ne montraient pas de signes extérieurs d’écologite aiguë (j’invente le mot : à l’académie française de corriger le tir !). Qui plus est le déclarait sans pudeur, partageant avec moi un secret qui ne devait pas sortir du cercle familiale. Certes nous avons fait notre service militaire ensemble (aïe, un indice !), mais quand même !
C’est que, depuis quelques temps, non, mesdames et messieurs, je ne tire plus la chasse systématiquement comme maman me l’avait appris. Car même avec une chasse à double vitesses, envoyer trois litres d’eau pure pour nettoyer toute trace de mon passage m’insupporte, me paraît comme un non-sens, comme un geste d’hygiène surdimensionnée imposée par notre monde immaculé, comme une obligation sociétale qui n’a pas de raisons dans ma vie privée (j’insiste : c’est uniquement quand je ne suis pas en société. Qu’on ne me fasse pas gourou des mauvaises manières !).
Quand je tire la chasse, je vois une africaine qui verse son sceau dans ma cuvette après plusieurs kilomètres de marche depuis le puits, je vois un galon d’eau que je prends des mains d’une famille sud-américaine qui n’a que la rivière insalubre au bas de son baraquement.
L’européen consomme 200 litres par jour : dont quelques seaux pour évacuer ses déjections. Quel luxe !
L’eau est un sujet préoccupant, et je ne manquerai pas d’y revenir. Que mon premier article l’aborde de la sorte donne la mesure de la valeur qui nous lui accordons, nous, gens nés du bon côté de la planète.