Archives par mot-clé : économie

La Haine de l’Occident

L’actualité nous montre souvent une forme de violence envers nos pays modernes, modèles de démocratie et de liberté. Mais pourquoi tant de haine ? Ce livre nous éclaire…

De l’autre côte de l’équateur

Dans ma réflexion faite autour d’un hélicoptère, je parlais de l’exercice de se mettre dans la peau “de l’autre” pour mettre à l’épreuve nos jugements… Avec “La Haine de l’Occident”, c’est un peu le même exercice que nous propose Jean Ziegler, mais à une autre échelle : passons l’équateur pour nous rendre au “sud”, afin de voir comment nous sommes perçus, nous, les Occidentaux.

“[…] la mémoire de l’Occident est dominatrice, imperméable au doute. Celle des peuples du Sud, une mémoire blessée. Et l’Occident ignore et la profondeur et la gravité de ces blessures.” (p. 31)

Mince ! Mais que nous reproche-t-on, nous, défenseur des libertés, héritiers de la Révolution Française ? Principalement deux choses…

Des colonisateurs incompris

La richesse de l’Europe s’est faite en dépouillant l’Afrique et l’Amérique du Sud. Nous, les descendants, on n’y peut rien. Mais il ne faut pas l’oublier pour autant, ou déformer la réalité historique. Comme Sarkozy, dans son très polémique discours à Dakar de 2007 : “La colonisation fut une faute payée par l’amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait tant.

Pauvres colonisateurs. Heureusement qu’une ville comme Bordeaux leur rend hommage : ses places et rues portent les noms d’esclavagistes et de capitaines négriers du XVII et XVIIIème siècle !

On peut donc comprendre qu’on nous accuse d’un double langage et d’une arrogance sans borne : “la démocratie s’arrête à nos frontières“.

Écoutons plutôt Aimé Césaire (que l’auteur aime citer dans le livre), parlant de la colonisation : “[…] le geste décisif est ici de l’aventurier et du pirate, de l’épicier en grand et de l’armateur, du chercheur d’or et du marchand, de l’appétit et de la force, avec, derrière, l’ombre portée, maléfique, d’une forme de civilisation qui, à un moment de son histoire, se constate obligée, de façon interne, d’étendre à l’échelle mondiale la concurrence de ses économies antagonistes.” (extrait du Discours sur le Colonialisme).

Nous sommes les 13 %

Deuxième point de discorde : depuis plus de 500 ans, les “blancs” dominent le monde. Alors qu’ils ne sont que 13 %.

En fait, la colonisation se poursuit, sous une forme encore plus puissante : l’ordre du capital mondial globalisé, avec ses sociétés transcontinentales, soutenus par le FMI, l’OMC, la Banque mondiale (déjà dénoncés par l’auteur dans son livre Les nouveaux maîtres du monde).

Les pays du Sud ont-ils choisi cet ordre mondial ? Non. Ont-ils la possibilité d’en proposer un autre ? “L’Occident ne comprend ni cette aspiration des peuples du Sud à un ordre équitable et juste, ni leur détermination à parvenir à leurs fins. L’idée même qu’un autre ordre du monde, qu’une autre mémoire, qu’un autre vouloir sont possibles y est désormais discréditée.” (p. 171)

Quant aux bonnes intentions qui visent à les aider, quel cynisme et quelle mauvaise foi. Prenons l’exemple des Objectifs du millénaire pour le développement promis par les pays de l’ONU pour 2015 : quasiment rien n’est fait. Explications de Ban Ji-moon (secrétaire général de l’ONU) : “C’est le manque d’engagement et de ressources, le déficit de responsabilité des dirigeants, l’insuffisance de soutien technique et de partenariats qui expliquent cette situation.” Tout est dit.

(c) Canar
© Kanar

Vive la corruption

L’idée que l’Occident “place” ses pions dans les pays du Sud, ou maintiennent au pouvoir des dictateurs qui servent plus nos industries que leur peuple, n’est pas un scoop. N’empêche que le tableau brossé par Jean Ziegler, sur le Nigeria (“la fabrique de la haine“), est affligeant !

Car c’est la deuxième puissance économique du continent, et son peuple vit dans la misère.

Le Nigeria est le seul pays du monde disposant d’importantes ressources pétrolières à présenter un déficit budgétaire” nous apprend Wikipedia.

La corruption règne, et on dira que c’est pour ça que ce pays est en perdition. Mais la corruption, ça arrange bien l’Occident : “[…] un État faible, discrédité et inefficace est le partenaire rêvé pour les sociétés transcontinentales occidentales” (p. 200).

Viva Morales

Mais la résistance s’organise ! Prenons la Bolivie, et son président Evo Morales Ayma. Premier président revendiquant son origine amérindienne, il succède à un cortège de dirigeants soumis aux dictats de l’Occident : c’est maintenant fini. Action !

En 2006, six mois après son élection, son gouvernement prend possession des installations pétrolifères et gazières du pays. C’est une véritable opération secrète que Morales a préparée avec son équipe, aidé de pays amis, comme la Norvège, reconnu pour son expertise dans la gestion du pétrole. Morales ne vient donc pas comme un « cow-boy juvénile » : il présente des nouveaux contrats qui mettent fin à la suprématie des transnationales du pétrole. C’est le décret n° 28701, dit du « rétablissement de la souveraineté énergétique » : il n’expulse pas les sociétés, mais les soumet à un régime plus équitable pour le pays.

Morales enchainera avec d’autres mesures, d’autres combats, et à l’heure où j’écris ces lignes, il est toujours là, réélu une deuxième fois. Oui, “toujours là”, alors que ses ennemis sont nombreux, et très dangereux, comme ces oustachis, Croates fascistes ayant trouvé refuge en Bolivie en même temps que les nazis, bien installés dans l’oligarchie locale !

Balayer sous son tapis

On pourrait se demander si ce que Jean Ziegler raconte n’est pas qu’affabulations et interprétations. Mais rappelons que l’auteur est rapporteur à l’ONU, et c’est sur la base de son expérience qu’il a décidé d’écrire ce livre – prix littéraire des droits de l’homme, quand même ! La source est donc de première main, et c’est ce qui rend cette lecture si attrayante : du vécu, des anecdotes, des incursions dans notre histoire.

Plus beaucoup de passions : ceux qui ont vu l’auteur à la télévision savent ce que je veux dire…

Alors, si vous n’êtes pas encore convaincus par les propos de Ziegler, lisez Michael Muhammad Knight, auteur américano-musulman, et provocateur :

Oui, il y a quelque chose que nous, auto-identifiés comme “l’Occident”, ne comprenons pas : nous-mêmes. Nous voyons la violence que nous voulons voir. Nous balayons sous le tapis notre héritage de haine et de destruction, toujours à se demander comment ils peuvent même se regarder dans le miroir.” (L’innocence des blancs)

Evo Morales Ayma demande à l'ONU de lire ce livre !
Evo Morales Ayma a la Haine de l’Occident !

“La Haine de l’Occident”, Jean Ziegler, 344 pages, Le Livre de Poche

L'obsession du profit de leurs oligarchies respectives guide leurs politiques étrangères (p. 21, parlant des Etats occidentaux)

View Results

Loading ... Loading ...

Sacrée croissance

La “croissance” : voilà bien un mot dans la bouche de tous les politiques et de tous les décideurs. C’est la solution pour sortir de la crise, il n’y a pas d’alternative !

Le monde selon Marie-Monique Robin

Ce discours, je le met dans le même panier que celui prétendant qu’il n’y a que le nucléaire pour donner de l’énergie à tout le monde, celui défendant le libéralisme pour auto-réguler la société humaine, celui disant qu’il n’y a que l’agriculture industrielle pour nourrir le monde…

Je n’ai pas la prétention de dire que tout ça est faux : mais je suis à l’écoute d’autres discours, d’autres alternatives, et heureusement qu’il existe des journalistes indépendants pour nous délivrer une information différente.

Parmi eux, il y a Marie-Monique Robin, dont j’avais apprécié son documentaire “Les moissons du futur”, mais que vous connaissez peut-être par un film plus connu : “Le monde selon Monsanto” .

Nous sommes les 1435

J’ai utilisé plus haut l’adjectif “indépendant”, et c’est particulièrement vrai pour notre journaliste : elle a créé sa maison de production pour financer ses films. “Je veux être désormais propriétaire des images et interviews que je réalise, et développer une relation différente avec le public” lit-on sur son site.

Une partie de sa production se finance en crowdfunding, donc par des citoyens comme vous et moi. Voilà une belle occasion donnée à ceux qui veulent faire bouger les choses, et en particulier à ceux qui, comme moi, en ont marre du dogme de la croissance. Car le film en cours de production est “Sacrée croissance” , et l’appel aux co-producteurs est en cours : à l’heure où j’écris ces lignes, ils sont 1435, parmi lesquels votre serviteur…

(c) Banksy
© Banksy

Pour 30 euros

La participation se fait sous la forme d’une précommande du DVD, à recevoir en même temps que la diffusion en télévision. Il vous en coûtera 30 euros. Et c’est une somme que je donne volontiers pour défendre une information indépendante, source à laquelle je m’abreuve tous les jours. C’est aussi un acte citoyen pour refuser la télé-poubelle que l’on nous sert !

Alors, si vous êtes contre le “système”, votre apport à un tel film portera plus que de râler sur Facebook ou refaire le monde autour d’un verre…

A bon entendeur…

30 euros pour financer un film qui veut faire bouger les choses

View Results

Loading ... Loading ...

De l’utilité des paradis fiscaux

Que ma banque éthique, Triodos, ait recours aux paradis fiscaux, voilà une nouvelle désolante. Et pourtant, cela semble bien nécessaire…

Toutes les mêmes

Comme la plupart d’entre vous le savent, ma banque c’est Triodos, et je ne manque pas d’en faire sa publicité.

Aussi, quand l’autre jour le nouveau journal “Marianne Belgique” épingla Triodos dans la liste des banques ayant recours à l’offshore au Luxembourg, au Panama ou à l’Île Maurice, j’en fut chagriné. D’autant plus que la nouvelle me parvenait par un mail envoyé par mon épouse, qu’elle avait intitulé “Toutes les mêmes” !

La réponse de Triodos fut prompt à venir, je l’avais lue mais restais dans l’expectative. Une explication plus claire et rassurante viendra de la bouche-même des patrons de la banque, une semaine plus tard…

Questions pour des patrons

Chaque année, Triodos organise une journée en l’honneur des détenteurs de certificats, soit les personnes comme moi qui capitalisent la banque – j’y reviendrai un autre jour. Cet événement eu lieu le dernier samedi d’avril, à point nommé !

Dans un auditoire rempli de quelques centaines de personnes, Olivier Marquet (patron pour la Belgique) et Peter Blom (patron pour les Pays Bas) présentèrent les résultats et objectifs de la banque (que je résumerais par +20 % dans la plupart des domaines !), et surtout purent répondre aux nombreuses questions concernant cet OffshoreLeaks dans lequel on n’aurait pas dû voir Triodos…

Triodos
Les patrons de Triodos ne sont pas au large…

Le Luxembourg à notre service

“Amalgame” fut le maître mot de toute cette affaire, et la recherche du sensationnel a pris le pas sur une enquête en profondeur… Jusqu’à cette assemblée, je me demandais pourquoi Triodos ne se passait pas de ces systèmes offshore, et prenait un tel risque médiatique ? La réponse est simple : ces “paradis fiscaux” sont nécessaires pour investir dans des pays avec lesquels nous n’avons pas d’infrastructure financière.

Par exemple, à moins de donner de l’argent comme le font les ONG, il n’est pas possible d’investir en Inde : il faut passer par une place financière intermédiaire, qui non seulement dispose d’un réseau d’échange, mais en plus a une renommée – Triodos et de nombreuses autres banques n’ont aucune représentation mondiale.

Et un pays comme le Luxembourg offre de telles facilités – de tels services, devrais-je dire !

Nuances de gris

Ce n’est pas la première fois que j’apprends cette information : les paradis fiscaux ont une utilité. Et ça me fait mal de l’écrire ! Mais j’avais “un œuf à peler” avec de nombreux auteurs que j’ai lus, et qui prônent la disparition des paradis fiscaux : ils omettent bien de nous informer de cette donnée, par ignorance ou plus probablement parce que, quand on veut condamner quelque chose, il ne faut montrer que son “côté obscur”…

Le soir du même jour que l’assemblée de Triodos, je rencontrais justement Paul Jorion, lors de son “Spaghetti Vicomte”. Celui-ci préconisant de “Mettre hors d’état de nuire les paradis fiscaux” (« Misère de la pensée économique », p. 198), je lui expliquais ce que j’avais appris sur l’utilité des places offshore. Jorion ne m’a pas contredit…

Au café "Le Vicomte", nous refaisons le monde, avec Paul Jorion
Au café “Le Vicomte”, nous refaisons le monde, avec Paul Jorion

… Mais il a émis des réserves sur la justification de Triodos à les utiliser !

Décidément, il est bien difficile de se faire une opinion. Je reste persuadé que les paradis fiscaux font plus de mal que de bien, mais je préfèrerais que l’on tire une autre leçon de mon article : tout n’est pas noir ou blanc, on est souvent dans les nuances de gris. Alors soyons plus réservés dans nos jugements, car la marge entre “informé” et “influencé” est faible…

Le monde se porterait-il mieux sans paradis fiscaux ? (répondez avec vos tripes : tant pis si on ne sait pas tout !)

View Results

Loading ... Loading ...