Energiris, première coopérative citoyenne bruxelloise d’investissement en énergie durable, se porte bien, merci. Elle passe même à la vitesse supérieure : il lui fallait un nouveau site.
Nous sommes les 202
Il y a presqu’un an, je vous parlais d’Energiris, une coopérative permettant aux citoyens d’investir dans l’énergie verte, avec un rendement de 3 % à 6 % par an.
Après plus d’un an d’activité, Energiris a convoqué ses coopérateurs à une Assemblée générale. Avec une bonne nouvelle : l’année comptable 2014-2015 s’est terminée déjà en positif, et un dividende de 3 % sera versé à ses 202 coopérateurs !
L’assemblée se passait à l’École Plein Air à Uccle, dans une ambiance décontractée, au cœur d’un projet d’Energiris : revoir complètement le système énergétique de l’école, qui paie cher l’ancienneté de son installation.
Au delà d’exprimer sa voix par un carton vert (aucun carton rouge n’a été brandi), c’était aussi l’occasion de rencontrer, verre de vin bio en main, les administrateurs d’Energiris : une équipe motivée, composée de gens passionnés et très informés dans le domaine de l’énergie verte. J’avais envie de les aider.
10 jours
Ma motivation étant d’autant plus grande que l’équipe ne comprend encore aucun salarié : ce sont des volontaires portés par la foi en la transition énergétique.
Je proposai donc mes services pour donner un coup de rafraîchissement à leur site, et cela tombait à pique. Car la presse parlerait bientôt de la coopérative, et avoir un nouveau site pour l’occasion serait inespéré. “Tu peux le refaire en 10 jours ?” , me demande Ismaël Daoud, administrateur délégué. Euh…
Même si on ne démarrait pas de rien, la tâche s’annonçait conséquente. J’avais déjà en tête toutes les améliorations à faire au site. Pas question de se contenter d’un changement cosmétique. Et surtout, c’était la première fois que je devais reprendre un site complet, pour le refaire sans rien perdre : la prudence était de mise.
Heureusement Ismaël savait déjà dans quelle direction aller, et les discussions ne furent pas longues avant de constater les premières fondations du nouveau site.
Ce n’est que le début
Finalement, l’essentiel du site fut bien prêt en une dizaine de jours, mais le report de la parution dans la presse nous permis de le terminer avec moins de pression. Aujourd’hui c’est mission accomplie : Energiris peut se présenter avec un site internet plus moderne.
Mais ce n’est pas encore fini pour autant, car des tas d’idées ont émergées durant le projet. L’aventure ne fait que commencer. Je suis fier d’être monté dans le bateau, mené par un équipage dynamique et motivé !
Quant à vous, ne manquez pas les opportunités de monter à bord en tant que passager : les mois qui suivent ne manqueront pas de projets qui auront besoin de votre financement.
(j’apporte mon aide aux associations qui partagent mes valeurs : visitez mon portfolio…)
Notre société finira par s’effondrer, et nous sommes peut-être la génération qui allons le vivre. Voici un livre qui nous explique pourquoi.
This is the end
La collapsologie est « l’exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de notre civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur les deux modes cognitifs que sont la raison et l’intuition et sur des travaux scientifiques reconnus. » (p. 164)
Si comme moi vous basculez entre espérance (parce qu’il existe des milliers d’initiatives pour changer le monde) et désespoir (parce que c’est toujours l’argent qui a le dernier mot), voici le livre qui va vous achever. Il dit ceci : “Une surpopulation mondiale, une surconsommation par les riches, et de piètres choix technologiques ont mis notre civilisation industrielle sur une trajectoire d’effondrement.” (p. 164)
Ses deux auteurs, Pablo Servigne et Raphaël Setevens, ont compulsé des études provenant de disciplines scientifiques différentes pour nous en exposer leur pronostic. Si leur livre fait à peine 200 pages, il se réfère à plus 400 sources : voilà qui nous épargne beaucoup de lectures !
Mais pourquoi la fin est-elle proche ? Voici trois bonnes raisons.
24.000 heures dans un baril
Premièrement, notre civilisation s’est fondée sur une énergie bon marché : le pétrole. Pensez-donc : “un baril de pétrole équivaut à environ 24.000 heures de travail humain“. (p. 156)
Mais son abondance touche à sa fin, et aucune autre énergie ne pourra prendre la relève avec autant d’efficacité. Quand bien même, on a besoin du pétrole pour mettre en place ces nouvelles énergies, et celles-ci utiliseraient des matières bien plus rare que les combustibles fossiles.
“Le déclin du pétrole entraînera donc le déclin de toutes les autres énergies.” (p. 33)
C’est avec le Taux de Retour Energétique (TRE), soit la quantité d’énergie produite pour une unité d’énergie consommée, que nous comprenons les défis pour répondre à nos besoins. Le pétrole reste le plus efficace avec 11 :1 pour l’extraire. Mais il l’était de 35 :1 en 1990, et 100 :1 au début du XXè aux États-Unis ! Quant au pétrole de schiste, il est de 5 :1.
Les TRE des autres énergies ne nous donnent pas beaucoup d’espoirs :
entre 5 :1 et 15 :1 pour le nucléaire ;
entre 1,6 :1 et 2,5 :1 pour le solaire ;
L’éolien est à 18 :1 (quand ça souffle) mais descend à 3,8 à cause des intermittences.
Seul l’hydraulique s’en sort bien avec un TRE entre 35 :1 et 49 :1. Mais on ne peut pas mettre des barrages partout et “les 3.700 projets en cours ou planifiés dans le monde n’augmenteraient la production électrique mondiale que de 2 %.” (P. 37)
Des mesures, pas de solutions
Deuxièmement : “l’expansion matérielle exponentielle de notre civilisation a irrémédiablement perturbé les systèmes complexes naturels sur lesquels elle reposait. Des frontières ont été franchies. Le réchauffement climatique et les effondrements de biodiversité, à eux seuls, annoncent des ruptures de systèmes alimentaires, sociaux, commerciaux ou de santé, c’est-à-dire concrètement des déplacements massifs de populations, des conflits armés, des épidémies et des famines.” (p. 162)
Les progressistes misent sur la technique et la science, souvent à venir, pour résoudre ces problèmes – pour autant qu’ils admettent leurs existences. Mais ces attitudes nous aveuglent : tout juste a-t-on des mesures pour d’adapter aux nouvelles situations. Pas pour les solutionner.
Civilisation hors-sol
Et troisièmement, notre monde est devenu un grand système complexe interconnecté, d’une complexité telle qu’on ne maîtrise plus les effets du moindre événement, et “la possibilité d’un effondrement à très grande échelle, presque globale, est devenue envisageable.” (p. 162)
Tout le monde dépend de tout le monde, et peu de gens pourraient survivre sans notre structure artificielle (transport, nourriture en magasins, paiements électroniques, etc.). Nous sommes une civilisation “hors-sol”, vivant dans une économie mondiale très efficace mais hautement complexe.
Un tel système est capable de créer ces propres incidents, comme la crise financière de 2008. On a jugulé le début d’un effondrement, mais deux pays s’en sont particulièrement bien sortis : la Zambie et le Malawi : pratiquant l’agroécologie, non connectés au système industriel mondial, ils n’ont pas connu de crise de la faim.
Ce qui signifie que “la possibilité qu’un effondrement survienne renverse donc l’ordre du monde” (p. 128) : le “redémarrage” de notre civilisation viendra des pays en périphérie de notre monde moderne.
Le loup l’emporte sur le GIEC
Pour dire simple : les pays les moins “avancés” sauveront la race humaine !
Moins avancé : moins technique, moins interconnecté, avec des solutions locales, pour une société avec plus de résilience. Une partie de la population l’a compris et a entamé un changement d’habitudes, comme en témoignent les villes en transition.
Il s’agit bien d’une prise de conscience dont la posture est “à la fois catastrophique et optimiste, c’est-à-dire à la fois lucide et pragmatique.” (p. 154) Mais qui est difficilement soutenable par les politiques, car cela reviendrait à valider la fin du “vieux monde” et… à précipiter sa fin par la panique qu’une telle déclaration susciterait !
Mais le déni politique n’explique pas pourquoi “nous continuons de vaquer avec, bien sûr, la ferme intention d’améliorer notre sort par quelques réformes, mais jamais il n’est question de notre disparition à court terme en tant que civilisation” (p. 169) Il faut en effet compter avec notre sens cognitif, qui nous pousse à traiter les problèmes immédiats plutôt que les menaces lointaines. Pour le dire autrement : “[… ] un résumé du GIEC provoque moins de sécrétion d’adrénaline que la vue d’un loup qui s’approche de nous en grognant.” (p. 142)
Demain
“Vous ne tenez pas dans les mains un livre destiné à faire peur” lit-on en page 17.
Le message est pourtant que notre système ne pourra pas se sauver, tant le dogme de notre économie est implanté dans les esprits. Et aucune solution valable ne pourra émerger à l’intérieur de ce système : seul un effondrement pourra laisser la place à une nouvelle société, plus sobre et plus résiliente.
Ceux qui ont vu le film documentaire “Demain” auront découvert les initiatives préparant ce nouveau monde. Mais si le film de Mélanie Laurent et Cyril Dion nous donnent l’espoir d’un changement de notre système, il nous laisse dans l’incertitude quant aux chances de succès.
Et c’est peut-être Servigne et Stevens qui nous donnent la réponse dans ce livre : il faudra d’abord passer par la chute du système économique actuel. Et que l’on ne craigne pas un nouveau monde à la Mad Max : “L’effondrement n’est pas la fin mais le début de notre avenir.” (p. 167)
“Comment tout peut s’effondrer”, Pablo Servigne et Raphaël Stevens”, 206 pages, Editions du Seuil
L’Allemagne, locomotive de l’Europe, se veut un modèle à suivre. Mais les autres pays peuvent-ils vraiment appliquer les recettes germaniques ? Ce livre nous éclaire sur le modèle allemand, pour ne pas dire qu’il le démystifie.
Sur les traces du Japon
À l’heure où les allemands se positionnent en grand donneur de leçons, voici un livre qui vient à point. Sous-titré “Le modèle allemand au-delà des mythes” , Guillaume Duval, rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques (qui a travaillé pour l’industrie allemande), nous brosse le portrait de notre voisin. Il veut tordre le cou aux idées reçues.
Car le succès du “modèle allemand” ne repose pas sur les politiques menées par Schröder puis Merkel, et les dirigeants des autres pays, la France en tête, auraient tort de croire qu’il suffirait de prendre quelques décisions pour obtenir la même réussite économique.
D’ailleurs, la thèse de l’auteur est que le chancelier Schröder a “plutôt fragilisé à terme l’économie et la société allemandes en permettant que s’y répandent la pauvreté et les inégalités et en freinant la modernisation de ses infrastructures collectives.” (p. 9)
Et attention à ne pas être aveuglé par ce succès. La fête risque d’être bientôt finie : “Les Allemands gagneraient sans doute à méditer davantage sur les déboires des Japonais qui paraissaient eux aussi promis à un bel avenir à la fin des années 1980…” (p. 214)
Alors, quelle est le secret de cette soit-disant réussite allemande ?
Un modèle qui date d’hier
L’histoire de l’Allemagne l’a menée à des particularités structurelles qui sont actuellement des avantages économiques. En voici quelques-unes :
Contrairement à la France où tous les pouvoirs et les richesses sont centralisés dans la métropole, l’Allemagne est décentralisée : le capital humain, culturel et financier est assez équitablement réparti sur le territoire. Cela donne une proximité entre les services et sous-traitants, tout en allégeant les coûts d’infrastructure pour le transport.
Alors que la France compte 75 universités françaises créées dans les années 60 ou 70, la plupart des 103 universités allemandes remonte au haut Moyen Âge, dans les villes où elles sont implantées. De plus son système éducatif est moins fondé sur la concurrence permanente et la sélection par l’échec.
La gouvernance des sociétés est moins autoritaire et hiérarchique, on ne pense pas qu’aux actionnaires. L’implication des travailleurs y est plus forte : ils prennent part aux décisions, et il n’y a pas de barrière pour arriver aux plus hauts postes. En France, le management est élitiste : “Le PDG tout-puissant : handicap majeur de l’industrie française” (p. 43)
Alors que la Révolution française a banni les corporations, celles-ci sont encore bien présentes en Allemagne, avec un effet bénéfique : au sein d’une même activité, elles organisent les liens sociaux, définissent les salaires, fixent les prix, partagent les techniques. Ce sont des économies d’échelle pour les entreprises, en plus de les lier entre elles plutôt que de les mettre en concurrence.
Les valeurs chrétiennes sont encore bien ancrées dans la société allemande, n’encourageant pas la femme à travailler. Elle doit choisir entre un travail mal payé (tout bénéfice pour l’industrie) ou rester au foyer pour s’occuper des enfants (tout bénéfice pour l’État qui consacre peu d’argent à l’accueil des jeunes).
Conséquence du point précédent, et renforcé par une conscience écologique plus forte qu’ailleurs, le taux de natalité est en baisse. Avec peu de jeunes à nourrir, éduquer et loger, la charge de la population inactive (comprenant aussi les plus de 65 ans) reste légère, tandis que, faute de demande, le marché immobilier reste accessible.
Détricotage annoncé
Grâce à la spécialisation de son industrie, principalement les biens d’équipement et les automobiles haut de gamme, l’Allemagne est largement exportatrice et a pu profiter de la baisse de l’euro comme de l’expansion du marché des pays émergents.
On comprend maintenant pourquoi le modèle allemand ne peut pas être simplement copié-collé dans un d’autres pays – mais certains enseignements peuvent en être tirés.
De même, l’Allemagne n’a pas de leçon à donner à ces partenaires européens ! “S’il était encore besoin de démontrer que l’hypothèse de l’homo oeconomicus rationnel, chère à la théorie économique néoclassique, est une fiction qui n’a (malheureusement) rien à voir avec le comportement profondément irrationnel des acteurs économiques réels, l’attitude de l’opinion publique allemande et du gouvernement d’Angela Merkel dans la crise de la zone euro en fournirait un exemple des plus éclairants.” (p. 193)
Non, l’Allemagne ne montre pas la solution à la crise de la zone euro. Et avec sa dénatalité, ses investissements dans des produits spéculatifs (y compris des prêts à la Grèce) plutôt que dans les infrastructures matérielles, avec ses bas salaires, et l’appauvrissement programmé des futurs retraités, la société allemande risque de se détricoter.
Bon vent
Pour l’auteur, il faut chercher des solutions ailleurs : “l’économie européenne ne sortira durablement de sa crise actuelle que si elle est capable, ici et maintenant, d’accélérer sa conversion écologique et la transition énergétique malgré les graves difficultés qu’elle rencontre en matière de finances publiques.” (p. 219)
Voilà un discours que j’aime bien, que j’ai déjà entendu ou lu de nombreuses fois. Et pas forcément de la bouche d’écologistes endurcis.
Et si l’Allemagne n’est pas le si bon élève de l’Europe que l’on croyait, elle montre l’exemple en ce qui concerne le défis des énergies de demain. Son industrie a déjà une longueur d’avance dans ce domaine, sa politique va déjà en ce sens.
Je referme donc ce livre en gardant une certaine admiration pour ce pays. Tout n’est pas bon à prendre. Mais sa fibre écologique, son leadership dans les nouvelles énergies et le management de ses sociétés me séduisent.
Et vous, que pensez-vous de ce puissant voisin ?
“Made in Germany” par Guillaume Duval, 231 pages, Seuil