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Je suis Charlie… ou pas

Je suis Charlie

Choqué, ému, révolté, je découvre l’effroyable nouvelle en rentrant du bureau, mercredi.

Ma première pensée ne va pas aux chefs de file de Charlie, dont les quatre visages occupent déjà la une des médias, mais à Fabrice Nicolino, journaliste écologiste pure souche dont j’ai déjà chroniqué le livre “Qui a tué l’écologie ?” . Son blog est un passage obligé quand je cherche une opinion tranchée sur notre monde moderne. Son verbe est une inspiration, ses partis-pris alimentaient mes réflexions.

Je sais qu’il est journaliste chez Charlie Hebdo. Alors ma première pensée est pour lui : fait-il partie des douze victimes ?  Déjà je m’imagine un monde sans Nicolino.

Dans les premières heures, je ne trouve aucune nouvelle de lui. En attendant, je suis emporté par la vague de solidarité, qui déborde des frontières hexagonales. La larme à l’œil, je change ma photo de profil Facebook et j’adapte ma bannière : “Je suis Charlie” .

Et le monde est devenu noir, avec Charlie écrit en blanc dessus.

L'actualité s'invite dans ma bannière Facebook personnalise
L’actualité s’invite dans ma bannière Facebook

Je ne suis pas Charlie

Charlie s’invite dans les réseaux sociaux, au bureau, dans la famille. Car Charlie touche le cœur. Mais aussi les tripes, et on s’enflamme vite.

Surtout sur le web.

Et je reste à l’écart : les mots s’échangent mais ne font changer personne.

Alors j’observe, puis je découvre un article “Je ne suis pas Charlie” . Je le lis, et sans être d’accord avec tout, je me pose des questions. Je fais mon examen critique : ai-je soutenu Charlie Hebdo dans son combat, qu’il mène depuis des années ?

Non.

Je n’ai jamais acheté cette revue. Ni même feuilleté. Bref, je ne m’y suis jamais intéressé. Tout juste ai-je une reconnaissance pour ce journal qui, avec le Canard Enchaîné, gardent un financement indépendant de tous groupes industriels, leurs permettant une totale liberté d’expression.

Je ne connais même pas ses journalistes, à par Nicolino (finalement il va bien). Et pourtant, j’aurais pu m’intéresser à Bernard Maris, économiste reconnu pour ses talents de vulgarisation et ses avis contraire à la pensée dominante.

Tiens, je découvres que ce “Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles” , qui prend la poussière dans ma bibliothèque depuis deux ans, est de lui. Pas fier : c’est comme découvrir “Candle in the Wind” suite au décès de Diana.

Bref, revendiquer “Je suis Charlie” me parait aussi crédible que de mettre un “like” sur la page d’Amnesty International sans jamais avoir fait un geste concret pour les soutenir.

Les écrits restent
Les écrits restent

Drôle de drame

Jeu de mot que Charlie appréciera…

Non, la semaine ne fut pas drôle, elle fut dramatique. Et j’en arrive même à réagir dans mon blog, alors que l’actualité y a rarement sa place. Mais voilà, quand on s’exprime librement, on est Charlie.

Même après cette petite remise en cause, je vais rester Charlie. Et pour répondre à Bruno Bertez, ce n’est pas pour dire “je me prends, je me mets à la place de ceux qui ont mené un combat.

C’est juste pour dire “Touches pas à ma liberté de pensée”.

D’aucuns se demandent alors pourquoi pas autant de solidarités pour le massacre de ceci, la famine de là-bas, ou les injustices en bas de chez moi ?

Parce que ce combat-ci est le plus important. Il s’agit de défendre un aboutissement de notre société : la pensée l’emporte sur la violence.

Sans cela, le monde serait bien pire.

Nous sommes tous visés (merci à Philippe)
Nous sommes tous visés (merci Philippe)

En ces jours troublés, qui êtes-vous ?

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"Indignez-vous" et "Ce vieil homme m'indigne"

L’indigné de l’indigné

Or donc, il y a quelques semaines je participais à la manifestation des indignés, et j’expliquais brièvement l’origine de l’appellation. En voici la chronique complète, accompagné de son antithèse…

Un phénomène de l’édition

“Indignez-vous !” est un manifeste de 14 pages que l’on doit à Stéphane Hessel, ancien résistant de 93 ans, à qui on a demandé de développer un discours prononcé lors d’une commémoration. Complété de quelques notes d’information et d’une bio, voilà un petit fascicule de 32 pages qui, à la bonne surprise des éditeurs, s’est écoulé à… 4 millions d’exemplaires en 32 langues !

Indignez-vous ! nous dit l’ancien résistant

Mais que raconte monsieur Hessel ? En voici les 6 chapitres :

  1. Le motif de la résistance, c’est l’indignation : il appelle la jeunesse à faire ce qu’il faisait durant la deuxième guerre mondiale, non plus résister à l’envahisseur, mais à la “dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie”.
  2. Deux visions de l’histoire : il parle de sa vision de la résistance et encourage à “s’engager au nom de sa responsabilité de personne humaine”.
  3. L’indifférence : la pire des attitudes : il dénonce l’écart qui s’accroit entre les pauvres et les riches, les droits de l’homme, l’état de la planète, nous parle de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, et encourage les jeunes à regarder autour de soi pour trouver tous les motifs d’indignation.
  4. Mon indignation à propos de la Palestine : il raconte sa visite de la bande de Gaza, s’indigne de l’oppression imposée par Israël, explique que si le terrorisme est inacceptable, il comprend la réaction violente de la population.
  5. La non-violence, le chemin que nous devons apprendre à suivre : il encourage la non-violence, la conciliation, l’espoir, pour arriver à un monde meilleur.
  6. Pour une insurrection pacifique : il constate que, certes des progrès ont été faits depuis la deuxième guerre, mais il en appelle toujours à “une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous.”.

La légitimité de Stéphane

Les paroles portent car dites par un homme ayant fait la résistance, puis ayant participé aux Déclarations des Droits de l’Homme en 1948 : dans son ouvrage, il ne manque pas d’y faire allusion, et cela le positionne comme un homme à respecter, comme un sage, un humaniste qu’il faut écouter.

Il rappelle que la majorité des droits sociaux se sont mis en place après la guerre, par des gens comme lui : et aujourd’hui, ce pourquoi il s’est battu est en train d’être détricoté par le libéralisme à outrance.

Et il a des origines juives, ce qui lui donnerait le droit de porter un jugement critique sur l’État d’Israël. Voilà un point qui suscite débat…

"Indignez-vous" et "Ce vieil homme m'indigne"
Quand on s’indigne de l’indignation de l’autre…

Le vieil homme m’indigne

Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Gilles-William Goldnadel, avocat, président d’Avocats sans frontières…

Il démystifie notre ami Hessel : il n’a pas participé à la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme, il n’y était que comme témoin. Or, c’est un des faits qui a donné toute la valeur morale à Hessel. S’il a trafiqué l’histoire sur ce point, qu’en est-il du reste ?…

Eh bien les origines juives d’Hessel semblent très éloignées. Or, de nouveau, celles-ci lui donnent une légitimité pour critiquer Israël.

Et ça, ça ne plait vraiment pas à Goldnadel… qui est juif, et ardent défenseur d’Israël. Le ton s’en ressent, et ces quelque 60 pages auraient pu être réduites à un tiers si le langage utilisé tournait moins la tête : “La chose est habituelle, pour ne pas écrire naturelle. Mais ici la construction relève d’une mythologie à laquelle ont participé par l’action – ou l’inaction – les encenseurs, les idiots utiles ou inutiles, les compagnons de route idéologiques et une bonne partie de ceux qui se flattent du devoir d’informer sans faux-semblants une opinion qui a, paraît-il, le droit de l’être” (exemple pris au hasard, page 22 !).

Notre avocat va chercher les plus infimes contradictions, et trouve injustifié le succès d’un ouvrage fondé sur si peu de d’éléments. « C’est la première fois dans l’histoire qu’un document écrit contient aussi peu d’idées et rencontre autant de succès ». Voilà donc « le ratio le plus irrationnel de l’histoire ».

Aucun indigné ne me convainc

Mobilou brandit le livre "Indignez-vous" de Stephane Hessel
Mobilou brandit le petit livre jaune de Stephane Hessel

Je dois reconnaître que j’ai enchaîné ses deux ouvrages par curiosité intellectuelle !

Le premier je l’ai lu parce qu’il est une référence dans la contestation actuelle. Sans surprise, il ne m’a rien appris. Mais il va parfaitement dans le sens du poil pour n’importe qui se plaignant que le monde va mal.

Le deuxième, j’avais une chance sur deux de le lire. Je m’explique : dans les réponses à Stéphane Hessel existe aussi “J’y crois pas”, et j’ai acheté le premier que j’ai trouvé en librairie. Mais je dois dire que si je m’étais renseigné, au préalable, sur le parcours de l’auteur de “Ce vieil homme m’indigne” (“Comment, Goldnadel, vous êtes juif ?” ) j’aurais évité cette lecture. Non pas que je mette en doute ses dires ni ne respecte son point de vue, mais son irritation lui enlève tout objectivité et révèle une prose fatigante.

Et quand Goldnadel reproche à Hessel de ne s’indigner que des Gazaouis, et pas des Tamouls massacrés au Sri Lanka, ni du génocide Arménien, ni du sort des Kurdes, ni du conflit Somalien, n’est-ce pas simplement parce que l’auteur n’a pas été dans ces pays ? Et qu’il ne veut parler que de ce qu’il a vu de ses propres yeux ?

Écrit avec les tripes

Hessel a parlé avec ses tripes, pensant certainement que son livre resterait marginal. Mais le succès est arrivé, et avec lui un feu de critiques, en proportion…

Qu’importe ! Le discours est clair et en phase avec les gens qui ne sont plus d’accord avec le système : il est parfait pour le brandir au-dessus de sa tête et descendre dans la rue…

 

“Indignez-vous” par Stéphane Hessel, 32 pages, Indigène éditions.

“Le vieil homme m’indigne !” par Gilles-William Goldnadel, 60 pages, éditions Jean-Claude Gawsewitch.

"Indignez-vous !" de Stéphane Hessel

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Indignez-vous, manifestez-vous

Samedi 12 mai, je participais à ma première manifestation, je m’indignais avec un millier d’autres indignés…

Pourquoi s’indigner quand on a une bonne situation ?

Comment ? Moi, Paul, informaticien, sans soucis d’argent, en bonne santé, propriétaire : mais de quoi dois-je m’indigner ? Que puis-je revendiquer ? Oserais-je décrier le système confortable dans lequel je vis (bien) ? Je profite du système et je m’afficherais en victime ?

Eh bien oui, il ne faut pas être dans la tourmente, voire dans la détresse, pour afficher son mécontentement. Ce blog contient autant de motifs pour que, une fois n’est pas coutume, j’abandonne mon clavier et descende dans la rue, accompagné de Mobilou…

Mobilou et une victime de la finance
Mobilou et une victime espagnole

Mille indignés, et moi et moi et moi !

Mobilou à découvert !

La manifestation des Indignés s’inscrit dans un vaste mouvement mondial, trouvant écho en Espagne avec les Indignados, aux Etats-Unis avec Occupy Wall Street, ainsi que d’autres pays et des centaines de villes. Si la contestation principale est le monde de la finance, le mouvement trouve aussi son origine dans l’ouvrage “Indignez-vous” de Stephane Hessel (que je chroniquerai plus tard), celui-ci couvrant presque tous les maux de notre société actuelle.

Et à l’image de cet écrit, la manifestation de samedi regroupait toutes sortes de mouvements et causes : des Indignados, des Anonymous,  des sans-papiers, le mouvement Zeitgeist, des anarchistes, des socialistes radicaux, quelques anti-nucléaires, des écologiques, des syndicalistes (en tout cas, au moins un !)…

Pour autant, étais-je solidaire de toutes les revendications exposées lors de cette manifestation ? Eh bien non – mais je ne vais pas détailler cela car c’est par manque d’informations que je ne me prononce pas sur certains sujets.

Était-il alors gênant d’être assimilé à certaines causes que l’on ne défend pas ? Non car, pour moi, je participais à un mouvement mondial, une prise de conscience planétaire, un message envoyé à tous ceux ne veulent pas savoir : réveillez-vous, ouvrez les yeux !

Wake-up, open your eyes
Mobilou vous invite à ouvrir les yeux

Les Indignés, même si vous n'êtes pas dans la rue avec eux...

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