Je vous l’écrivais début 2014 : “on regardera dans Googlemap quelques régions vraiment affligeantes” . Maintenant que les fêtes sont finies et que le Père Noël est rentré au garage, celui-ci m’a confié avoir survolé quelques régions pas jolies, jolies.
Je vous invite donc à en découvrir trois. Ce sont des vues Googlemap, utilisez votre souris pour déplacer la carte et zoomer pour les détails.
La croisière ne s’amuse plus
Que deviennent nos paquebots, nos porte-conteneurs et autres géants des mers qui servent notre civilisation d’homme moderne ? Ils vont à Alang, en Inde.
Comme pour nos déchets électroniques, ce sont les pays pauvres qui accueillent nos navires, où ils peuvent être démantelés sans se soucier de la pollution et de l’impact sanitaire des déchets toxiques.
Voici la vue satellite de Coyote Creek, où vivent des SDF. On peut y deviner quelques campements, sauf si vous zoomez. Car alors, on passe à une photo prise à un autre moment : après un “nettoyage” de la zone.
Où sont-ils alors passés ? Peut-être aux douches publiques, juste à côté de la villa de Larry Page, cofondateur de Google et 17e homme le plus riche du monde ?
La mer de plastique
Nous sommes à Alméria, en Espagne. Une région que l’on la surnomme “le jardin de l’Europe”, car elle inonde nos pays de fruits, principalement l’hiver.
Mais à quel prix ? Tout ce blanc que vous voyez, ce sont les serres, construites dans une région aride. Il s’agit d’agriculture intensive, avec tout son cortège de laideur et de souffrance. Car en plus d’assécher les nappes phréatiques et de polluer la région, 80.000 personnes, souvent des illégaux, y sont exploités comme des esclaves.
Alors quand vous achetez des fruits et légumes “Made in Spain”, pensez à Alméria.
Mes meilleurs vœux ?
Après le survol de ces lieux déplorables, vous souhaiter “mes meilleurs vœux” pour cette nouvelle année me parait aussi incongru que de dire “bon appétit” avant d’attaquer son repas. Comme si nous avions besoin de cela pour commencer une année durant laquelle, pour la plupart d’entre nous, nous ne manquerons de rien !
Je préfère vous souhaiter une année 2015 pleine de bonnes résolutions, d’actes responsables et de pensées positives.
La Terre va arriver à saturation : pouvons-nous la quitter pour vivre ailleurs ? Voici un livre qui nous donne des éléments de réponse, au moment où un film fait l’actualité.
Sèche ou surpeuplée
Voici un livre vraiment bizarre. En fait, je ne comptais pas vous en parler : sa première partie repose sur un postulat discutable, et la seconde navigue entre philosophie, poésie et (science-)fiction. Difficile d’en tirer quelques enseignements !
Mais voilà, je terminais ce livre alors que j’allais voir “Interstellar” , de Christophe Nolan, traitant le même sujet. De plus, voici quelques semaines, je lisais Stephen Hawking : de quoi remettre de l’ordre dans tout cet imaginaire.
Alors donc, l’homme doit se trouver d’autres planètes s’il veut survivre. Car notre Terre deviendra toute sèche, comme l’imagine notre cinéaste. Ou elle sera surpeuplée, comme nous écrit Alfred Vidal-Madjar, dans son livre “Où allons-nous vivre demain ?”
Surpeuplée, vraiment ?
Riz et nénuphars
L’auteur est directeur de recherche au CNRS, il travaille sur les planètes extrasolaires à l’Institut d’astrophysique de Paris et enseigne la physique à l’École polytechnique (source : Wikipedia).
Mais il n’est pas démographe.
Or, son livre commence par nous alerter sur la surpopulation, qui va nous exploser à la figure. Car la population s’accroit à un rythme exponentiel. Et pour bien nous le faire comprendre, plusieurs dizaines de pages sont consacrées aux puissances de deux, aux grains de riz sur l’échiquier, aux nénuphars dans l’étang, aux microbes se reproduisant par division cellulaire. Bref, l’auteur nous fait prendre conscience du danger des progressions exponentielles, que notre nature humaine sous-estime.
Mais l’humanité ne se multiplie pas comme des microbes : les sociétés évoluent, et les projections sont bien plus subtiles qu’une multiplication par deux. La surpopulation est un concept, pas une réalité. Le livre commence donc mal, même si je partage avec l’auteur son inquiétude quant à l’impact de tant d’humains sur notre environnement.
Ce n’est donc qu’à la moitié du livre que nous entrons dans le sujet, celui justifiant son titre.
Le grain de sable et l’orange
La Terre est un grain de sable tournant en un an autour d’une orange, le Soleil, placé à 5 mètres de là. Quant à la lune, elle est une poussière tournant à 2 centimètres autour de notre grain de sable.
Jupiter est une noisette à 25 mètres. Et Neptune, qui marque la fin de notre système solaire, est à 200 mètres. On l’atteindrait en quelques années.
Alors on peut rêver : ces planètes ne sont pas inaccessibles. Mais entre le très chaud et le très froid, l’homme n’y trouvera pas beaucoup de confort. Et puis le système solaire sera vite surpeuplé à son tour.
On se tournera donc vers les étoiles. Lesquelles ? Toutes ! “Nous savons en effet qu’autour d’une étoile sur deux un autre système planétaire attend. Des centaines de milliards sont là, disponibles […]” (p. 135)
Mais l’étoile la plus proche est une orange à 1.300 km ! Soit quatre cent années de voyage si seulement nous atteignions un centième de la vitesse de la lumière. Vivement les moteurs à fusion nucléaire, et l’hibernation !
A moins que nous passions par un “trou de ver” ?
Nous ne sommes que des particules
C’est ce que suggère Christophe Nolan dans son dernier film. Mais ce ne sont que des concepts mathématiques : leur existence dans l’univers n’est pas avérée.
Par contre il existe bien des trous noirs, que la science-fiction aime utiliser pour nous envoyer dans des endroits où temps et lumière se distordent, ce qui nous vaut des histoires improbables. Mais passer dans un trou noir ne serait qu’une pure fantaisie. C’est Stephen Hawking qui nous le dit : “[…] si vous sautez dans un trou noir, vous vous faites totalement écrabouillé. Néanmoins, en un certain sens, les particules qui composent votre corps passent dans un autre univers.” (“Trous noirs et bébés univers”, p. 150).
Vieux de deux minutes
Voir des humains vivre en dehors de notre système solaire risque bien de rester de la science-fiction.
Et le fait de ne pas entrer en contact avec des civilisations extra-terrestres devrait nous conforter dans cette idée. En ramenant l’âge de l’univers sur une échelle de temps d’un an, l’homme est vieux de deux minutes, et Jésus-Christ est mort il y a cinquante secondes. Cette échelle est aussi valable pour des civilisations qui auraient vu le jour sur d’autres planètes : elles n’auraient durer que quelques minutes, sans réussir à quitter leur système solaire. Sans avoir le temps de nous croiser.
Mais on peut toujours espérer que l’homme soit l’exception, et devienne la première créature à quitter son système. Après tout, il ne lui faudra sans doute que une ou deux “secondes cosmiques” pour conquérir le système solaire. Il sera alors moins vulnérable aux caprices de notre Terre, et pourra se préparer au grand saut jusqu’aux étoiles.
Et on sera rappellera alors le message d’Interstellar : “L’homme est né sur terre. Rien ne l’oblige à y mourir.”
“Où allons-nous vivre demain ?” , Alfred Vidal-Madjar, 170 pages, Hugo & Cie
“Interstellar” , Christophe Nolan, 169 minutes
“Trous noirs et bébés univers” , Stephen Hawking, 205 pages, Éditions Odile Jacob
Et puis il serait dommage de ne pas mentionner l’excellent roman “Spin” de Robert Charles Wilson, à la croisée des thèmes abordés dans cet article…
La banque Credit Suisse a publié son nouveau rapport sur la richesse mondiale : c’est l’occasion de s’émerveiller ou de s’indigner, de se réjouir ou de se lamenter.
Plein les poches
Depuis que j’essaie de sauver le monde, il y a une question qui rode dans ma tête : imaginons que l’on mette nos richesses dans un pot commun, et qu’on les redistribue à parts égales à tous les habitants, adultes, de la terre. Chacun recevrait combien, et deviendrais-je plus riche ou plus pauvre ?
Credit Suisse m’apporte la réponse, avec son rapport annuel Global Wealth Report 2014. Soit 64 pages qui analysent la richesse mondiale, en croissance permanente.
Et voici ce que cette institution financière a calculé : en additionnant les actifs financiers, les actifs réels (principalement l’immobilier), et en soustrayant les dettes, nous arriverions à 263 billions de dollars pour tout le monde. En se partageant le gâteau, cela fait 56.000 dollars par adulte, soit quelques 43.700 euros dans ma poche comme dans la vôtre.
Je dois vous avouer que dans ma grande naïveté, je ne m’attendais pas à une moyenne si élevée. Je mijotais déjà une formule moraliste du genre “Vous voyez qu’on n’est pas si mal, arrêtez de vous plaindre !” .
Ils sont les 1 %
Vous vous en doutez, cette moyenne est élevée car tirée vers le haut par les très riches. On vous l’a déjà servi, mais je remets le couvert avec des chiffres frais : 0,7 % de la population mondiale (35 millions de personnes) possède plus de 1 million de dollars. Ce qui donne la formule choc : 1 % de la population = 48,2 % de la richesse mondiale.
Et voici le plat de consistance : 10 % de la population = 87 % de la richesse mondiale ! Mais avant de vous indignez, vérifiez que vous n’en faites pas partie. Vous verrez cela deux chapitres plus loin.
Et voici le dessert : 50 % de la population mondiale la moins riche détient… 1 % des richesses.
Vous ne savez pas où vous vous situez ? Passons à la médiane…
Une valeur qui divise
Si le monde se divise en deux, entre 50 % de moins riches et 50 % de plus riches, c’est qu’une valeur a été calculée pour savoir dans quel camp on se trouve. En statistiques, on l’appelle valeur médiane, et la voici pour la richesse mondiale : 3.650 dollars.
Ce qui donne 2.852 euros, et je suppose que la plupart d’entre vous se situe au-dessus de cette richesse : vous faites partie des 50 % les plus riches de la planète (d’aucuns préféreront la formule “50 % les moins pauvres de la planète” !).
Mais voici un autre chiffre : 135.000 euros. C’est la valeur médiane pour la Belgique. Ce chiffre est énorme ! Mais c’est un bon signe : il indiquerait que les écarts de richesses sont moins grands chez nous qu’ailleurs. En fait, seul l’Australie fait mieux, avec 225.000 dollars. Quant aux États-Unis, elle est de 53.352 dollars. Ce n’est pas un exemple à suivre !
Nous pouvons donc être fier d’être dans un pays plus égalitaire qu’ailleurs. Du reste…
Vous êtes les 10 % ?
Voici un dernier chiffre. La richesse au-delà de laquelle vous faites partie des 10 % les plus riches. Vous vous rappelez ? Ceux qui possède 87 % des richesses mondiales…
En êtes-vous, ou pas ?
Roulement de tambours… 66.000 euros.
Attention, je le rappelle, c’est une richesse par adulte et non par ménage.
La morale
Le rapport de Credit Suisse regorge de chiffres qui nous permettent des comparaisons à l’infini. Que les plus curieux n’hésitent pas à le parcourir. Pour les autres voici quelques constats marquants :
la richesse mondiale ne cesse d’augmenter (8,3 % en un an), avec une augmentation corolaire de millionnaires et milliardaires ;
tandis que les inégalités se creusent. Alors qu’elle se réduisait un peu, dans de nombreux pays, avant la crise de 2008 ;
et les Suisses détiennent toujours le record de la richesse moyenne : 581.000 dollars.
De ce que révèle ce “Global Wealth Report 2014” , on pourrait en débattre et philosopher des jours et des nuits. Ce que je ne vais pas faire ici.
Mais je ne peux refermer ce rapport sans rebondir sur cette phrase en page 23, à propos des plus fortunés : ce sont des “personnes ayant acquis une grande fortune par une combinaison de talent, de dur labeur et de chance” . Ces gens sont donc récompensés cent fois, mille fois, dix mille fois plus que la majorité de la population. Avec un impact environnemental en proportion. Est-ce bien moral ?
Allez, consolons-nous : ils ne sont certainement pas dix mille fois plus heureux que nous.