Depuis que j’ai commencé mon blog, on n’arrête pas de me demander : “Paul, où trouves-tu le temps de lire tout ça ?” Et vous connaissez la meilleure ? Le “tout ça” ne portant que sur ce que vous voyez dans mon blog, cela ne représente que la moitié de ce que je lis !
Itinéraire d’un enfant gâté
J’ai la grande chance, si si c’en est une, d’utiliser les transports en commun pour aller au boulot. Soit 35 à 45 minutes de bus et métro à l’aller, autant de métro et train au retour. Alors, avez-vous deviné où se trouve mon temps de lecture ?…
Le calcul est simple : je retire une douzaine de minutes de marche, quelques minutes d’attente du bus, quelques minutes “techniques” (pointage de carte, trouver sa place), et voilà que j’ai à ma disposition au moins une trentaine de minutes par jour pour m’instruire. Et encore, une demi-heure, c’est quand je n’ai pas de chance : le bus qui n’est pas pris dans les embouteillages, le métro que je ne dois pas attendre, le train qui arrive à l’heure…
Les retards m’instruisent
Eh oui, en lisant dans les transports, tout est inversé : du temps perdu en trajet ? Non, du temps gagné à m’instruire !
Le métro arrive bondé ? Pas d’énervement, je le laisse passer et attend le suivant durant 3 pages.
Et pourquoi, sorti de métro, je marche si vite vers mon quai de gare ? Vais-je rater mon train ? Mais non, je veux gagner une page ! De toute façon mon train est affiché avec… 5 pages de retard !
Effondrement entre Mérode et Schuman
Et maintenant faisons un petit calcul ludique, à la manière de Freakonomics…
En revenant du bureau, je prends le métro pour un seul arrêt, de Merode à Schuman. Ça ne vaut pas la peine de sortir son livre, n’est-ce pas ? Eh bien si ! D’abord la distance est exceptionnellement longue : 2’15” entre la fermeture et l’ouverture des portes. Ensuite il y a l’attente. Donc, entre 2 et 6 minutes de lecture. En faisant une moyenne de 3 pages lues sur ce petit trajet, attente comprise, au bout de l’année j’ai lu un livre comme “Effondrement” (un pavé que je dois absolument vous chroniquer) entre les stations Merode et Schuman !
De la lecture qui ne me coûte rien
Mon bus vient de quitter l’arrêt “Broustin” quand je lis en page 82 de “Bien trop de livres ?” : “Le temps est l’aspect le plus coûteux du livre à quelques exceptions près (celui passé dans les transports en commun […])” . En effet, pure calcul économique, lire un livre coûte le temps que l’on pourrait consacrer à autre chose, et cette lecture en demande beaucoup. En lisant dans les transports, je ne perd que mon temps inutile…
Encore plus de bonheur
Depuis que je lis ainsi, mon temps libre ne commence pas quand j’arrive chez moi, mais bien quand j’arrive sur le quai du métro, quelques minutes seulement après avoir quitté le bureau.
Ce n’est qu’un point de vue, mais, comme expliqué dans “L’économie du bonheur” (terminé l’autre jour, station Botanique), “les trajets journaliers pour aller au travail et en revenir constituent également un exemple de gestion sous-optimale du temps” (signifiant qu’il ne contribue pas à améliorer le bonheur).
Je crois que pour moi il y contribue…
(dans la veine de cette chronique je vous recommande chaudement “Bien trop de livres ?” de Gabriel Zaid, éditions Les Belles Lettres)